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Système d’isolation thermique par l’extérieur non ventilé sur support bois
Collection : Fiches Pathologie bâtiment
Date de parution : 2024
Date de dernière mise à jour : Janvier 2024
SOMMAIRE
1. Le constat
Le parc immobilier existant est soumis à rénovation énergétique. En neuf, la RE2020 impose une amélioration ambitieuse de la qualité environnementale de la construction.
L’Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE) est une composante de la performance énergétique. Elle devient potentiellement biosourcée dans ses composants, souvent couplée à des constructions à ossature bois (COB ou MOB). Avec des procédés de plus en plus industrialisables, les projets ainsi conçus permettent de répondre aux exigences fortes de sobriété énergétique et de minimisation des émissions de gaz à effet de serre.
Le fort accroissement de ces modes constructifs s’accompagne de problématiques dont certaines sont déjà connues sur des supports plus traditionnels :
- les matériaux biosourcés, par opposition à la filière minérale ou pétrochimique, sont sensibles à l’eau et ne tolèrent ni l’approximation ni l’adaptation sur chantier
- les infiltrations et transferts de vapeur d’eau mal gérés sont sources de désordres
- le niveau de gravité et l’enjeu des sinistres liés à l’eau sont plus lourds dans le cas de parois non ventilées
- le développement de la préfabrication et d’un assemblage a posteriori implique la gestion des interfaces entre les opérations en usine et sur site
- la protection vis-à-vis des intempéries sur chantier devient primordiale.
2. Le diagnostic
2.1. Définition
La composition des modes constructifs MOB + ITE peut varier sensiblement. Un système « générique » est décrit ci-dessus. Comme dans les systèmes traditionnels, les désordres concernant ces techniques résultent en général de facteurs concomitants.
2.2. Phase conception
Le support bois est sujet à des désordres d’instabilités structurelles :
- en cas d’erreurs de calcul ou d’exécution sur l’ossature. Certains désordres d’ITE résultent d’un défaut de dimensionnement de l’ossature bois sans respect des règles de calcul des Eurocodes et en particulier des critères de limitation des déplacements horizontaux
- du fait d’une exposition anormale à l’eau et à l’humidité (choix du produit bois, perméance du système…).
Les pathologies sont régulièrement liées à l’absence d’études adaptées :
- étude structurelle de dimensionnement
- étude hygrothermique globale, statique voire dynamique du bâtiment, a fortiori sur le bâti ancien**
- étude de conception – exécution des interfaces avec carnet de détail complet ;
ATTENTION : risque de « boucles de rétroaction pathologiques ».
** FOCUS sur la perméance
La vapeur d’eau produite par les occupants d’une construction (respiration, activités humaines, équipements…) doit être évacuée. Lorsque l’eau à l’état de gaz migre dans la paroi, elle peut être bloquée par l’ITE et refroidir jusqu’à atteindre le stade de condensation ou « point de rosée », au sein de matériaux biosourcés sensibles à l’eau, induisant une perte des caractéristiques mécaniques (développement fongique) et thermiques des matériaux constitutifs.
En première approche, pour éviter la condensation dans un complexe, on applique :
- la règle thermique des 1/3 – 2/3, la performance d’isolation devant être a minima 2 fois supérieure en face extérieure qu’en face intérieure du pare-vapeur
- la règle des 5/1, la perméance extérieure devant être 5 fois plus élevée en extérieur qu’en intérieur.
Des logiciels en libre accès permettent de réaliser une simulation numérique en statique.
La perméance de chaque matériau est mesurée par la valeur Sd, en mètres, correspondant à l’épaisseur de lame d’air équivalente.
Les points de rosée ont plusieurs causes :
- des composants inadaptés :
- une perméance trop forte du pare-vapeur intérieur (Valeur Sd trop faible)
- une perméance trop faible du revêtement extérieur (valeur Sd trop forte des revêtements de type imperméabilité)
- un défaut d’étanchéité à l’air de l’enveloppe intérieure générant des phénomènes de convection parasites
- des ponts thermiques (défaut d’isolation). En cas d’isolant sensible au tassement, un emballement est à craindre (manque d’isolant / point froid / condensation / tassement)
- un défaut de ventilation avec des équipements souvent sous dimensionnés, ou mal entretenus.
Le dommage apparent est souvent la partie émergée de l’iceberg, l’essentiel de la pathologie demeurant masqué.
Nota : La construction s’industrialise. Si la préfabrication tend à une meilleure maîtrise d’exécution, elle accroît les besoins en conception et l’enjeu des sinistres en cas de défaillance de conception (démultiplication de la défaillance, sériels éventuels, répétabilité des défauts).
ATTENTION : les DTU 31.2 et 31.4 excluent de leur domaine d’emploi les parois non ventilées. Dans les Avis Techniques du CSTB relatifs aux procédés d’ITE sur construction ossature bois (COB), c’est l’intégralité de la paroi qui est visée, du pare-vapeur intérieur à l’enduit extérieur.
2.3. Phase exécution
La mise en place du support
Une inadaptation de la classe d’emploi est fréquemment source de pathologies.
La qualité de pose du support est également importante (désaffleures du support, défaut de planéité de l’isolant, conséquences sur les épaisseurs d’enduisage et fissuration consécutive potentielle du complexe enduit/finition).
Toute hétérogénéité de la structure et/ou du pare-vapeur (nez de plancher, pénétrations, ouvertures…) est génératrice de dilatations différentielles, source de fissuration d’enduit.
La protection des matériaux vis-à-vis des intempéries
La protection des matériaux sur chantier et sur façade demeure une priorité pour ces techniques (sensibilité à l’eau).
Une mauvaise organisation de chantier, des interfaces non maîtrisées, une planification non optimale, peuvent générer un stockage inapproprié des matériaux, les laissant exposés aux intempéries, entrainant a posteriori des gonflements, des développements fongiques, des fissurations en façade.
Ces systèmes nécessitent une protection en cours de pose, avant enduisage. Les éléments humides, endommagés ou souillés sont à assécher voire à remplacer.
Le risque d’enfermer de l’humidité dans le système s’accroît avec le niveau de préfabrication et renforce le besoin de protection des éléments. Le coût d’un sinistre dans ce contexte s’en trouve augmenté.
Les infiltrations
Les sources d’infiltrations sont nombreuses :
- défaut de traitement des encadrements de menuiseries
- défaut de calfeutrement et / ou d’encastrement de bavettes
- défaut de protection en tête (couvertine, solin, etc.)
- défaut de garde au sol ou de larmier en pied
- défaut de traitement des pénétrations (balcons, ouvrages saillants, brises soleil, équipements, etc.)
- fissuration de l’ITE. Elle peut résulter d’un désordre structurel ou d’un manque de renforts au droit de mouvements différentiels (nez de plancher, angles de menuiseries, défaut de collage ou de fixation, multiplicité et hétérogénéité des supports d’ITE au sein d’une même façade – surélévation – …). Elle est régulièrement à la fois une cause et une conséquence.
L’impact sur la qualité de l’air intérieur (QAI)
Les développements fongiques peuvent créer de l’inconfort et impacter la santé des occupants (maladies respiratoires, champignons allergènes).
La réparabilité
Sur ces systèmes, certains dommages se soldent régulièrement par une démolition-reconstruction. En cas de désordre généralisé relatif au transfert d’humidité, deux options se présentent :
- le remplacement du pare-vapeur intérieur, supposant la réfection complète des embellissements et le relogement des occupants
- la réfection de l’ITE non ventilé en ITE ventilé, de type enduit ou bardage.
Les causes étant souvent multiples et certains ancrages de charpente pouvant être gravement atteints, il s’agit de chiffrer les solutions de réparation complète d’une part / de démolition-reconstruction d’autre part et de choisir la mieux-disante.
3. Les bonnes pratiques
Formation indispensables des entreprises
- Sensibilisation aux systèmes.
- Connaissance des matériaux.
- Soin à apporter sur la mise en oeuvre.
Anticiper en conception et pendant la phase de préparation du chantier
- Choix d’un système ITE sous Avis Technique (ATEc) ou Document Technique d’Application (DTA) et respect dans son intégrité (notamment Sd pare-vapeur > 90 m) et dans son domaine d’emploi (hauteur de bâtiment). Ne pas hésiter à recourir à l’assistance technique du fabricant.
- Note de calcul structure.
- Étude hygrothermique statique voire dynamique. Prendre en compte les aspects ventilation et chauffage surtout en rénovation.
- Classe d’emploi 2 (minimum) des bois d’ossature.
- Intervention en macro-lot avec des acteurs (sous-traitance ou co-traitance) sensibilisés aux pathologies des biosourcés.
- Carnet de détails des points singuliers et interfaces. Se conformer aux règles et recommandations professionnelles – aux schémas et croquis de mise en oeuvre (calepins et guides de chantier) : pied de paroi ; couvertines ; bavettes, angles, tableaux ; nez de plancher (pare-vapeur continu et joint de fractionnement éventuel) ; pénétrations (trop-plein, console, etc.).
- En cas de préfabrication : Plan d’Assurance Qualité (fabrication / transport / stockage sur chantier / procédures d’autocontrôle) ; détail des jonctions de panneaux ; potentiels capteurs de contrôle d’humidité ; planning.
En phase chantier
- Prévoir de bonnes conditions de stockage des matériaux ainsi qu’une protection provisoire des panneaux préfabriqués en adéquation avec leur sensibilité à l’eau.
- Gérer la récupération et l’évacuation des eaux sur planchers.
- Veiller à l’enchaînement des interventions pour protection définitive au plus tôt.
- Vérifier l’humidité des bois du support – état sec considéré ossatures et panneaux < 18%.
- À proximité de toitures terrasses, l’étancheur devra veiller à ne pas brûler le pare-vapeur (le plus souvent inaccessible et irréparable).
- Proscrire la mousse polyuréthanne entre les panneaux isolants pouvant créer des points durs.
- Soin important à apporter à la structure, support et pare-vapeur. Prévoir ainsi des renforts d’armature, des joints de fractionnement ainsi que des bandes de pare-vapeur intégrées en nez de plancher.
- Repérer préalablement les montants de l’ossature bois pour l’implantation du chevillage des panneaux isolants, vérifier les profondeurs d’ancrage dans les montants.
- Réaliser des contrôles et autocontrôles – support, isolant, couche de base.
- Ouvrir les caissons pour assèchement en cas d’humidification accidentelle en phase chantier de panneaux caissons.
- Contrôler le taux d’humidité des composants biosourcés avant fermeture du complexe.
En cas de sinistre
Réaliser un diagnostic complet
- En cas de condensation dans les parois, ne pas conclure trop rapidement au dommage esthétique.
- En neuf comme en rénovation, avoir une démarche systémique. Examiner le drainage, l’étanchéité des points singuliers, la ventilation, le pare-vapeur.
- Ne pas faire l’économie de sondages destructifs et de l’examen de la structure. De manière non destructive, il existe des outils tels que le sapromètre pour vérifier la résistance mécanique des bois de structure, au droit des assemblages notamment.
Pour éviter un sur-sinistre
Faire appel à un maître d’oeuvre spécialisé et à des entreprises qualifiées pour une solution complète et pérenne.
4. L’œil de l’expert
5. L’essentiel
- Utiliser des procédés évalués techniquement.
- Recourir à la formation et à l’assistance technique des fabricants.
- Réaliser des études structurelle et hygrothermique du bâtiment.
- Réaliser une étude sur le traitement des points singuliers potentiellement sources d’infiltrations.
- Veiller à la protection des complexes et des supports en phase chantier.
- Réaliser systématiquement un contrôle des supports et un autocontrôle des ouvrages.
6. À consulter
- DTU 31.2 Construction de maisons et bâtiments à ossature en bois
- DTU 31.4 Façades à ossature bois
- NF EN 1995 (Eurocode 5) Conception et calcul des structures bois
- NF EN 335 Durabilité du bois et des matériaux à base de bois – Classes d’emploi : définitions, application au bois massif et aux matériaux à base de bois
- Guide pratique et mémento chantier du CODIFAB avril 2020 – Construction bois et gestion de l’humidité en phase chantier
- Cahier du CSTB 3729_V2 de décembre 2014 Systèmes d’isolation thermique extérieure par enduit sur isolant appliqués sur parois de constructions à ossature en bois – Dispositions communes aux Groupes Spécialisés n°2 et n°7, dénommé « Cahier ETICS sur COB »
- Fiche pathologie bâtiment n° E.09 « Condensations dans les logements »