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Photo d'un immeuble résidentiel moderne, pour valoriser l'article « Génie climatique – Volet 1 : la pompe à chaleur va-t-elle réussir à décarboner le secteur résidentiel ? » de l'AQC

Génie climatique – Volet 1 : la pompe à chaleur va-t-elle réussir à décarboner le secteur résidentiel ?

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Revue Qualité Construction N°206 - Septembre/Octobre 2024
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Le Plan climat de juillet 2017 a renouvelé l’ambition de la France en fixant pour cap la neutralité carbone dès 2050, soit une division par six des émissions de Gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. La décarbonation du secteur résidentiel est un point de passage prioritaire pour atteindre cet objectif. Quel vecteur énergétique choisir ? Si les réseaux de chaleur vertueux figurent parmi les solutions incontournables, la pompe à chaleur émerge également et peut trouver sa place dans le logement collectif, en neuf comme en rénovation. Une crise de croissance pour la filière qui doit travailler à l’harmonisation des NF DTU et des règles de dimensionnement.

La transition énergétique s’opère du­ra­blement dans le bâtiment, encouragée par les pouvoirs publics, différentes lois majeures et la RE2020. Ainsi la loi a introduit une interdiction progressive de mise en location des logements énergivores : à partir du 1er janvier 2025 pour les logements classés G (les plus énergivores), 2028 pour ceux de la classe F et 2034 pour la classe E. Le chauffage au gaz est en voie de disparition dans le logement après des décennies de monopole. Si les exigences actuelles de la RE2020 autorisent encore le 100 % gaz en logement collectif, cela ne sera plus envisageable en 2025. En maison individuelle, le 100 % gaz est déjà exclu depuis 2022.
Cette trajectoire, dictée par les politiques environnementales et les coûts difficilement contrôlables de l’énergie, impose une nouvelle feuille de route à l’industrie et à tous les acteurs du logement. La formulation de la question est donc simple : quelle solution va permettre de décarboner le chauffage dans le logement ?

Recommandations de l’Ademe

Sans surprise, la Pompe à chaleur (Pac) s’annonce comme l’une des solutions incontournables dans les projets de construction et dans la rénovation de l’existant. Dans un « Avis d’experts » publié le 19 mars 2024(1), l’Ademe revient sur les conditions techniques de réussite de cette transition énergétique qui s’opère, en tenant compte de l’état des connaissances sur la performance des différentes pompes à chaleur, de la typologie de bâtiments concernés et de leur niveau d’isolation. L’agence rappelle en préambule que « la décarbonation des usages thermiques des logements en France métropolitaine repose sur deux leviers : d’une part, le changement des moyens de chauffage utilisant des vecteurs très carbonés (fuel et gaz d’origine fossile) vers des vecteurs moins carbonés (réseaux de chaleur urbains alimentés par des énergies renouvelables et de récupération, électricité (via la pompe à chaleur, y compris géothermique), solaire thermique, bois, gaz renouvelable… ; de l’autre, le développement des énergies renouvelables dans les réseaux d’énergie (par exemple : méthanisation, verdissement des réseaux de chaleur, éolien, photovoltaïque…). »

Elle recommande de sécuriser la stratégie de développement des Pac qui « ont un rôle clé à jouer dans la décarbonation de la chaleur des bâtiments. Cependant, il est nécessaire d’en sécuriser le déploiement via un soutien à la recherche et développement (isoler avant d’installer une Pac, développer des systèmes adaptés à toutes les typologies de bâtiments, développer des équipements avec des fluides frigorigènes à faible impact environnemental […]. » Elle estime qu’il est impératif « d’organiser la remontée et le partage de données sur la performance des Pac en conditions réelles d’utilisation, d’appuyer l’industrialisation de la filière, de former sur toute la chaîne de valeur afin d’assurer des installations de qualité, et enfin, de conditionner les aides financières aux pompes à chaleur à des critères permettant d’assurer leur performance ».

Sur ce dernier point précisément, elle insiste sur la nécessité de « mettre en place un bonus écologique pour les Pac : sans pour autant ralentir l’accélération de leur déploiement qui reste la priorité ». Elle préconise « le développement progressif de politiques publiques d’incitation vers les matériels les plus performants sur l’ensemble de la chaîne de valeur (par exemple un bonus pour les Pac les plus performantes au regard des objectifs environnementaux, intégrant le contenu carbone lié à leur fabrication, à l’instar du bonus véhicules électriques). Ce dispositif, allant au-delà de l’étiquette énergie actuellement en place, aurait également des impacts positifs pour la réindustrialisation en France et en Europe […] et tirerait l’ensemble de la filière vers le haut. »

“La stratégie consistant à déployer massivement les Pac sans les associer nécessairement à un bon niveau d’isolation risque d’engendrer une pointe électrique supplémentaire de 6 GW à l’horizon 2030”

(1)Décarboner le chauffage : quelle place pour les pompes à chaleur ? Décarboner les consommations d’énergie en phase d’usage des logements pour atteindre nos objectifs 2030 et 2050 (mars 2024, 21 pages).

Sobriété et isolation comme préalable

Prudente vis-à-vis des mono-solutions miracles, l’association Négawatt met en garde sur une électrification trop rapide et le recours systématique à la Pac(2) : « Dans le bâtiment, l’installation de pompes à chaleur comme mode de chauffage décarboné est un exemple concret des risques. Si leur rôle est essentiel dans la décarbonation du bâtiment, leur développement doit être maîtrisé et organisé. La stratégie consistant à déployer massivement les Pac sans les associer nécessairement à un bon niveau d’isolation risque d’engendrer une pointe électrique supplémentaire de 6 GW à l’horizon 2030. Elle pourrait même aller jusqu’à une quinzaine de gigawatts en cas d’accumulation de conditions défavorables. Pour réduire cette pointe, il est indispensable d’installer des Pac dans des logements performants ou si­mul­ta­nément à une rénovation complète et performante. »

L’isolation thermique des bâtiments demeure une priorité. La progression des exigences de la RE2020 avec ses paliers 2025 et 2031 pousse dans ce sens. Ce que l’Ademe appelle « le juste niveau d’isolation avant d’installer une Pac afin d’atteindre un bon niveau de performance à la fois à l’échelle du logement et à celle du parc de logements dans son ensemble ».

L’impact environnemental de cette technologie est tout aussi majeur. Mal évaluée, la contribution de la climatisation au phénomène des Îlots de chaleur urbains (ICU) reste un sujet pointé par les détracteurs de la Pac, tout comme les risques pour l’environnement en cas de rejets dans l’atmosphère des fluides frigorigènes. Le nouveau Règlement européen F-Gaz(3) du 7 février 2024 tente de résoudre ce problème en fixant des objectifs plus contraignants qui visent notamment deux axes majeurs : soutenir la réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau national d’au moins 55 % d’ici 2030 (Pacte Vert) et accélérer la réduction des quotas avec une quasi-élimination des réfrigérants fluorés à partir de 2027.

« Il importe que le présent Règlement garantisse que l’Union respecte à long terme les obligations internationales qui lui incombent au titre de l’amendement de Kigali, en particulier en ce qui concerne la réduction de la consommation et de la production de HFC. »

Pour l’Ademe (Avis d’experts du 19 mars 2024), le soutien à la recherche et développement doit porter prioritairement sur les « produits avec des fluides frigorigènes à faible impact environnemental (propane, CO2…) et adaptés à tous les besoins ».

(2)Communiqué de presse « Sobriété et efficacité sont indissociables de l’électrification des usages » du 7 décembre 2023.
(3)Depuis 2007, l’utilisation des réfrigérants fluorés (HFC) dans les pays de l’Union européenne est encadrée par le Règlement F-Gaz.

Un million de Pac… Vraiment ?

En avril dernier, le Gouvernement a annoncé un plan élaboré avec la filière pour produire en France 1 million de Pac dès 2027. L’objectif : décarboner les bâtiments et l’industrie en stimulant l’offre et en consolidant la dynamique de déploiement de cette technologie. Qu’en restera-t-il dans les mois à venir ? Le contexte économique et politique qui affecte le secteur de la construction en neuf comme en rénovation a mis un coup de frein brutal au marché de la Pac. Le manque de clarté à moyen et long terme des aides à la rénovation, accentué par les variations du dispositif « MaPrimeRénov’ », accentue la frilosité des maîtres d’ouvrage à se lancer dans des investissements importants de décarbonation du parc ancien, dans le privé en particulier.

« Le marché de la Pac – notamment en maison individuelle – subit actuellement une baisse conjoncturelle, note Arnaud MEYER, délégué aux affaires techniques de l’Afpac (Association française pour les pompes à chaleur) qui rassure toutefois sur la capacité de production de la filière industrielle : Jusqu’à présent, la Pac était principalement déployée en maison individuelle. Un bilan RE2020 réalisé par la DGALN(4) et le Cerema(5) montre que 90 % des maisons individuelles neuves sont équipées en Pac aujourd’hui pour 30 à 35 % des collectifs en neuf et 15 % reliés à un réseau de chaleur urbain. Mais la Pac est peu présente en rénovation. Un déploiement massif de cette solution thermodynamique implique de renforcer les Règles de l’art et le partage des connaissances techniques pour le collectif en neuf comme en rénovation. »

La prise en compte de l’acoustique remonte en tête parmi les points d’amélioration récurrents, au même titre que l’intégration architecturale et le dimensionnement des installations. Des opérations mal dimensionnées et bruyantes ont produit un faisceau de contre-références que nul ne peut ignorer. De l’avis de tous les acteurs de la filière, la montée en compétences des installateurs, des mainteneurs, des utilisateurs, voire des prescripteurs comme les bureaux d’études fluides et autres spécialistes du génie climatique, est indispensable pour atteindre cet objectif de massification dans des conditions durables.

Pour cela, les Règles professionnelles et le cadre réglementaire doivent être clarifiés, harmonisés et partagés. « En cours de réécriture, le NF DTU 65.16(6) de référence a été rédigé en 2016 principalement pour le cas de la maison individuelle et pour des machines d’une puissance inférieure à 70 kW, plutôt de type air/air », relève Cédric BEAUMONT, directeur technique du Costic (Centre d’études et de formation pour le génie climatique).

(4)Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature.
(5)Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
(6)Norme relative à l’installation de pompes à chaleur.

Comment ça marche ?

Il existe différents types de Pac couvertes par le NF DTU 65.16 : air/eau, air/air, sol/eau, sol/sol, eau/eau et eau glycolée/eau. Le fonctionnement de la technologie est simple : des calories sont présentes dans l’air, le sol et l’eau souterraine. Cette énergie toujours disponible et gratuite est sans cesse renouvelée grâce au rayon­nement solaire, aux vents et aux précipitations. Appartenant à la famille des solutions thermodynamiques, la Pac prélève cette chaleur omniprésente et l’amène à un niveau de température plus élevé dans les logements afin de les chauffer. On parle d’aérothermie ou de Pac air/air lorsque l’énergie est prélevée dans l’air, et de Pac air/eau quand les calories sont extraites de l’eau. On cite aussi la Pac géothermique qui puise la chaleur présente dans le sol à travers des capteurs verticaux ou horizontaux.
Une pompe à chaleur se compose de quatre éléments principaux :

  • un échangeur qui capte l’énergie dans le milieu extérieur (sol / eau / air) : l’évaporateur ;
  • un compresseur qui fait monter le niveau de température de cette énergie thermique ;
  • un deuxième échangeur pour la restituer à l’intérieur : le condenseur ;
  • un détendeur qui gère la différence de pression entre le condenseur et l’évaporateur.

La pompe à chaleur air/air ou aérothermie prélève les calories dans l’air et transfère cette énergie via un fluide frigorigène qui va réchauffer ou refroidir l’air intérieur directement. La Pac air/eau prélève les calories dans l’air et transfère cette énergie via une boucle d’eau vers les émetteurs pour chauffer ou rafraîchir l’air mais aussi pour chauffer de l’Eau chaude sanitaire (ECS). La Pac eau/eau puise les calories dans l’eau (nappes phréatiques ou dans les eaux grises) et transfère cette énergie via des circuits d’eau.

Les familles de solutions disponibles

De nombreuses solutions sont développées par les industriels. Certaines sont plus adaptées au neuf et d’autres à la rénovation de l’existant, comme l’hybridation avec un autre type de générateur (chaudière gaz, chauffe-eau thermodynamique…). En logement collectif, l’arbitrage entre les solutions envisageables doit prendre en compte plusieurs critères. La source de chaleur de la Pac peut varier : l’air extérieur, le sol via des sondes géothermiques, les eaux de nappes, les eaux usées, des panneaux solaires… Les usages à couvrir orientent aussi le choix : une Pac dite en « simple service » couvre les besoins d’ECS seule ou de chauffage ou de rafraîchissement. Une Pac dite en « double service » fournit l’ECS et le chauffage. Le « triple service » répond à tous les besoins de froid et de chaleur du logement : ECS, chauffage et rafraîchissement.
Autre possibilité, selon la configuration souhaitée, la solution Pac, à l’instar d’une chaudière, peut être 100 % collective ou 100 % individuelle. Les configurations sont « mixtes » quand elles fonctionnent avec un chauffage collectif et une fourniture d’ECS individualisée.

Enfin, on trouve de l’hybridation avec d’autres énergies et d’autres générateurs complémentaires. Le 100 % Pac couvre tous les besoins avec la même source de chaleur  : on parle de solution en mono générateur ou mono énergie. Les solutions hybrides ou multi-énergie font appel à plusieurs énergies ou plusieurs types de générateurs. Exemple : une Pac associée à une chaudière. La Pac fonctionne en base pour fournir le chauffage et l’ECS, et le second générateur indépendant (chaudière gaz, bois…) intervient en complément. Ce générateur d’appoint permet de limiter la puissance de la Pac. Dans cette configuration, un local technique abrite les ballons de stockage et la régulation. La distribution de la chaleur vers les logements est réalisée par des réseaux d’eau, similaires à ceux associés à une chaufferie gaz.
Toutes les solutions Pac sont détaillées et présentées sous forme de fiches pratiques (descriptif général, capacité de la solution, conditions d’intégration, schéma technique…) dans l’un des guides réalisés par l’Afpac : La Pompe à chaleur – Des solutions disponibles en habitat collectif(7).

“Certaines solutions plus matures que d’autres s’imposent sur un marché où la prescription se fait principalement par les bureaux d’études fluides en lien étroit avec les industriels, et ce, en l’absence d’une harmonisation des Règles professionnelles et du niveau de technicité de ces équipements”

(7)Édition de février 2023 (80 pages). À télécharger sur le site https://www.afpac.org.

Prescrire une solution adaptée

Certaines solutions plus matures que d’autres s’imposent sur un marché où la prescription se fait principalement par les bureaux d’études fluides en lien étroit avec les industriels, et ce, en l’absence d’une harmonisation des Règles professionnelles et du niveau de technicité de ces équipements. Des solutions se détachent pour le logement collectif qui exige des puissances installées élevées. On distingue les solutions centralisées (collectives) des équipements individuels, les deux options pouvant produire en simple, double ou plus rarement triple service.

« Concernant la source de chaleur captée, la famille air/eau en mode individuel ou centralisé reste la plus représentée dans le logement », précise David LEBANNIER, responsable de l’activité Conseil du bureau d’études POUGET Consultants. Alors que le tertiaire préfère la famille air/air – dite « DRV »(8) – avec une unité extérieure qui alimente une boucle de fluide frigorigène (froide ou chaude) et nécessite l’intervention d’un frigoriste, une compétence recherchée actuellement. « Les Pac collectives émergent de plus en plus depuis quelques années, poursuit le consultant. La Pac géothermique est une solution mature et performante. Pas de bruit, pas d’impact visuel, des rendements élevés. Toutefois, il faut intégrer dans le schéma de conception en amont du projet, la présence de locaux techniques et l’emprise du champ de forage. Le BRGM(9) estime que cette solution reste applicable à 90 % du territoire. »

Intéressés, les bailleurs sociaux considèrent la possibilité « de mutualiser ce type de solution et son investissement à quelques opérateurs sur plusieurs bâtiments situés dans une ZAC ou à l’occasion d’un projet urbain de grande échelle », observe Alban CHARRIER, directeur adjoint à la Direction de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales de l’Union sociale pour l’habitat (USH). « Ce type d’équipement présente l’avantage de basculer en été sur du “géo-cooling” lorsqu’on l’associe à des planchers chauffants rafraîchissants : la Pac est alors neutralisée et une boucle d’eau fraîche circule dans l’émetteur basse température, décrit David LEBANNIER. Le bâtiment est rafraîchi gratuitement sans démarrer la pompe à chaleur. Plus chère que d’autres solutions, la Pac géothermique est en partie finançable par le Fonds chaleur de l’Ademe(10). »

(8)Débit de réfrigérant variable.
(9)Bureau de recherches géologiques et minières.
(10)Pour en savoir plus : https://fondschaleur.ademe.fr/geothermie.

Vers une hybridation des solutions

Pour le consultant David LEBANNIER, « les configurations les plus fréquentes sont constituées d’une cascade de Pac air/eau. Par exemple, 5 à 7 Pac d’une puissance 15 à 20 kW chacune, plutôt destinées à la maison individuelle initialement, couvrent les besoins de chauffage et d’ECS à 100 % de l’équivalent de 40 logements neufs ou en rénovation BBC. En construction neuve, le surcoût estimé par rapport à une solution gaz collectif est de 25-30 €/m2). » Si l’offre de Pac air/eau de grosse puissance était faible il y a deux ans, la plupart des fabricants ont ou auront à leurs catalogues des modèles de 20 à 80 kW en 2025. Configurées en cascade, ces Pac permettent de traiter des bâtiments de très grande taille. Une « autre alternative, précise David LEBANNIER, est l’hybridation. Dans ce cas, la Pac de puissance plus faible collabore par exemple avec une chaudière gaz. En cas de températures extérieures froides, la chaudière répond à l’augmentation des besoins et à la baisse de performance de la Pac. Son surcoût estimé par rapport à une solution gaz collective est de 15 à 20 €/m2. »

En mode individuel, l’installation d’une Pac air/eau de petite puissance (3 kW) pour chaque logement est courante en immeuble collectif. Dans ce cas, l’unité extérieure est souvent disposée en toiture-terrasse inaccessible. « Pour limiter les coûts et l’encombrement, complète David LEBANNIER, les petits logements T1, T2 et T3 sont souvent équipés d’un chauffe-eau thermodynamique pour l’ECS et de radiateurs électriques pour le chauffage. On voit émerger une offre variée de Pac individuelles chauffage et ECS sans unité extérieure pour faciliter leurs intégrations. On peut également citer d’autres solutions collectives pour produire l’ECS : la Pac aérosolaire, la Pac sur eaux grises… Séparées et collectées dans des cuves, les eaux grises à 25 °C peuvent servir de source de chaleur. »

Optimisation du dimensionnement

L’un des enjeux techniques de mise en œuvre se situe principalement dans l’adéquation entre les besoins du bâtiment en chaleur et la puissance installée de la solution. C’est-à-dire l’optimisation du di­men­sion­nement. L’installation d’une Pac doit être précédée de deux étapes obligatoires pour parvenir à un dimensionnement qualitatif  :

  • une étude de dimensionnement qui détermine la puissance installée ;
  • une étude de déperdition thermique de l’habitat en cas de rénovation.

L’association Qualit’EnR – qui accompagne les professionnels dans le secteur des énergies renouvelables – observe pourtant que pour près d’un quart des installations contrôlées, le professionnel qualifié n’est pas en mesure de présenter le calcul des déperditions et la note de dimensionnement du système, pourtant exigés lors du contrôle des réalisations.

Si les professionnels n’ont pas d’obligation spécifique dans la méthode de calcul retenue, les études font partie intégrante de la prestation d’installation et doivent être intégrées au dossier du client. « La conception d’installation de Pac est plus complexe et moins usuelle que celles des chaudières, estime David LEBANNIER. Les points de vigilances et les thématiques à maîtriser sont donc plus nombreux. Pour le chauffage au gaz, le dimensionnement de la puissance est moins décisif car augmenter la puissance gaz ne coûte pas très cher. À l’inverse, surdimensionner la puissance d’une Pac représente un surcoût conséquent. Or à ce jour, les règles de dimensionnement et de conception des Pac collectives ne sont pas harmonisées, notamment pour les Pac en double service (production de chauffage et d’ECS). Ce sont principalement les industriels qui guident les professionnels dans la conception et le dimensionnement des installations. Il faut que la filière s’organise pour définir des règles de conception claires et faciliter la montée en compétences ainsi que l’autonomisation des acteurs, notamment les bureaux d’études et les installateurs. »

Les bureaux d’études plaident pour l’élaboration de guides de conception plus étayés sur les sujets d’acoustique, de raccordement électrique, de schéma hydraulique et de régulation…

Acoustique et intégration architecturale

Le développement mal maîtrisé des Pac, les dérives et autres arnaques du dispositif « Pac à 1 € » – supprimé depuis 2020 – ont produit des contre-références, notamment en matière de gêne acoustique et d’intégration architecturale. « Dans le cadre du plan “1 million de Pac”, l’Afpac a été auditionnée au Sénat pour cadrer l’intégration des unités extérieures en toiture », précise Arnaud MEYER. Ainsi, une unité extérieure (compres­seur et ventilateur) positionnée sur un toit peut occasionner une source de bruit entre 35 et 60 dB. Or, cette configuration est difficilement contournable dans le cas d’une Pac de forte puissante collective qui brasse 8 000 m3 d’air/heure et nécessite un positionnement extérieur. Cela dit, une Pac positionnée dans un local technique en R-1, nécessairement ventilé, donc ouvert, peut occasionner une gêne sonore conséquente pour les logements des étages supérieurs.

Consciente de la problématique, l’Afpac anime un groupe de travail « Pompes à Chaleur et acoustique » avec des experts du syndicat Cinov GIAc (regroupant des ingénieurs et des bureaux d’études spécialisés en acoustique). L’objectif est de sensibiliser toute la chaîne des acteurs de la filière. « La performance acoustique à pleine charge d’une Pac doit pouvoir être certifiée au même titre que son rendement et sa performance (certification NF PAC), indique Arnaud MEYER. Le choix du matériel, l’emplacement de l’unité, l’intégration au bâti doivent respecter les règles d’urbanisme et de bon sens telles que le respect des limites de voisinage et les prescriptions des plans locaux d’urbanisme. »

L’installateur doit trouver des solutions techniques pour tenir compte de ces deux freins majeurs sachant que la puissance de la Pac dépend de la vitesse du ventilateur… Et que le bruit est généré par le compresseur et le ventilateur. Des systèmes de régulation doivent être anticipés en conception et déployés pour écarter tout risque d’une gêne acoustique difficilement rectifiable après livraison du bâtiment.

Problématiques spécifiques à la rénovation

En rénovation, la pompe à chaleur apparaît comme l’une des solutions pour substituer les chaudières gaz ou fioul mais pas sans conditions préalables. « Ce n’est pas simple de substituer complètement la Pac à 100 % au gaz, relève Cédric BEAUMONT du Costic. Des solutions hybrides répondent plus fa­ci­lement au cas de la rénovation en collectif ou individuel. »

De plus, les retours d’expérience montrent que cet équipement thermodynamique doit être correctement dimensionné avec un diagnostic thermique et une étude préalable de l’existant : schéma hydraulique, nature des émetteurs, caractéristique du bâtiment avec ou sans toiture-terrasse, sous-sol, local technique, etc.

La question du raccordement électrique se pose lorsque le réseau électrique en place n’est pas dimensionné pour alimenter des Pac de forte puissance. Ce dernier délivre parfois une puissance électrique trop faible et doit être adapté par Enedis, ce qui occasionne des surcoûts qu’il faut anticiper. Alors que dans le neuf, les réseaux seront dimensionnés à la jauge du futur bâtiment. Comme le souligne l’Ademe, «il y a dans tous les cas un réel intérêt à travailler » sur deux aspects corrélés : « d’une part, isoler en amont de la pose d’une Pac afin de pouvoir demander une eau moins chaude (le bâti étant moins déperditif) ; et d’autre part, adapter les émetteurs (radiateurs) et la régulation du chauffage afin de profiter au mieux des bonnes performances des Pac, de diminuer sa puissance, son encombrement et les coûts d’investissements associés. »

Avec un parc à rénover de 150 000 à 160 000 logements par an, Rémy VASSEUR, responsable de département « Énergie et bas carbone » de l’USH, estime pour sa part « qu’il faut faire feu de toutes les solutions techniques, de la chaudière gaz à haute performance à la Pac hybride avec la mixité énergétique. Des solutions hybrides, pilotables avec des systèmes intelligents, permettent de jouer sur plusieurs critères d’effacement : carbone, prix, demande électrique sur le réseau. Nous croyons beaucoup à la richesse du monitoring pour des réponses affinées aux problématiques spécifiques de chaque bâtiment. »

Sur le plan technique, une étude réalisée par le bureau d’études POUGET Consultants(11) liste les conditions de mise en œuvre d’une solution 100 % Pac en rénovation : un régime de température des radiateurs a 60 °C, une rénovation de la distribution hydraulique (isolation, équilibrage, désembouage), une longueur de réseau de distribution limitée, de la place en chaufferie pour accueillir les ballons d’ECS et pour accueillir les nombreuses unités extérieures, enfin, un réseau électrique en capacité d’accueillir la puissance sans surcoût important. 📒

(11)Quelle place pour la pompe à chaleur dans le logement collectif, en neuf et en réhabilitation ? (4 octobre 2023).

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« Risques climatiques - Grêle : impact sur les bâtiments et stratégie de prévention » - Revue Qualité Construction Septembre-Octobre 2024 de l'AQC