Fiche technique
Désordres sur ossatures en éléments préfabriqués en béton armé ou précontraint
Collection : Fiches Pathologie bâtiment
Date de parution : 2024
Date de dernière mise à jour : Janvier 2024
SOMMAIRE
1. Le constat
Les ossatures en béton armé ou précontraint destinées à l’édification de bâtiments de grande emprise (entrepôts industriels, grandes surfaces commerciales…) sont préfabriquées en usine, fixes, transportées, puis montées sur site.
Cette technique de préfabrication permet un montage rapide des bâtiments, avec une réduction du planning et des coûts. Toutefois, au-delà de la résistance nécessaire de chacun des composants, l’essentiel de la solidité de la structure repose sur l’efficacité et la pérennité des assemblages de ces mêmes composants entre eux, c’est-à-dire les jonctions (ou nœuds) qui sont présentes dans les assemblages suivants :
- poteaux > fondations
- poteaux > poutres et/ou poteaux > fermes
- pannes > poutres
Les désordres affectant majoritairement ces ossatures se manifestent dans ces jonctions par des fissurations des bétons de clavetage ou des abouts des composants, fissurations souvent signe d’un défaut de solidité de l’ouvrage du fait des efforts importants transitant par ces assemblages.
Ces fissurations peuvent s’accompagner en outre de chutes d’éclats de béton, point particulièrement dangereux du fait des grandes hauteurs usuelles de ces bâtiments dans lesquels l’activité humaine peut être intense, tels les centres commerciaux.
Lorsque ces assemblages assurent la continuité mécanique entre éléments (jonction clavetées), ils concourent également à la stabilité du bâtiment, au plan partiel ou général. Leur pérennité est donc primordiale.
2. Le diagnostic
Les fissurations et désordres dans les assemblages entre éléments linéaires d’ossature peuvent trouver leur origine dans de multiples causes :
- en conception, par omission d’effets secondaires qui s’avèrent non négligeables (ossatures exposées au gradient thermique extérieur par exemple)
- au montage avec des défauts d’exécution apparemment mineurs, mais qui, en fait, ont des conséquences majeures dans ces structures élancées par lesquelles transitent souvent des efforts importants du fait de la réalisation de portées et travées en œuvre de grande dimension
- les plus fréquentes se rencontrent au niveau des jonctions, clavetées ou brochées et dans le fonctionnement effectif des joints de dilatation.
Désordres dans les jonctions clavetées
- La coupe ou la déformation des armatures dépassant en about du fait de l’impossibilité de positionnement des éléments en vis- à-vis, dans un environnement à forte densité de ferraillage.
- L’oubli de mise en œuvre des aciers de renfort, de frettage ou de couturage des plans de reprise de bétonnage.
- Le défaut de chanfrein ou de dispositif équivalent en tête du poteau pour limiter le risque de contrainte localisée et donc de fissuration.
- Le défaut de qualité du béton liée à la forte densité d’armatures de ces zones (manque de compacité) ou à un espacement insuffisant entre armatures contiguës.
- Le défaut de mise en œuvre d’un calage provisoire, du fait de la faible largeur de repos du talon de poutre, entraîne une amorce de rupture de la tête de poteau ou du talon de poutre. Ce dernier point présente en outre un risque élevé d’effondrement en phase provisoire avec un fort risque de dommages corporels.
Désordres dans les jonctions avec broche
- L’irrégularité des surfaces d’appui entraîne des concentrations de contraintes localisées dans les éléments béton avec risque d’éclatement.
- Des défauts de mise en œuvre des appuis néoprène, de choix inadapté aux efforts à transmettre, ou encore non percés à un diamètre supérieur à la broche dans le cas d’appui à déplacement.
- Oubli des méplats d’appui sur poteaux en sous-face des extrémités des poutres posées avec des pentes supérieures à 1% (pour pente de couverture) ou poutres posées à l’envers par confusion au montage (sens de pose inversé).
- Débordement ou migration par le dessous du mortier de scellement à retrait compensé lors du remplissage des fourreaux de broches par un surplus de produit qui enrobe alors l’appui néoprène en créant un point dur dans l’appareil d’appui.
Cette anomalie obère le fonctionnement de l’appui néoprène en générant une zone de concentration d’efforts, donc de contrainte, préjudiciable au bon comportement du béton dans la zone d’appui (risque d’éclatement).
Désordres en relation avec les joints de dilatation
Des joints de dilatation sont en général prévus de manière à délimiter des « blocs de construction » de 50 ml à 70 ml de longueur dans les régions tempérées.
Si la dilatation prévue s’avère inopérante, la dimension entre joints de blocs de construction peut se trouver portée à 100 m voire à 140 m. Les déplacements effectifs se trouvent alors cumulés d’autant, ce qui peut entraîner des effets de butée des composants béton entre eux.
Ces effets de butée, en extrémité de bloc, vont générer des efforts non prévus en tête de poteau provoquant dans ce dernier des contraintes de flexion complémentaires ainsi que des efforts anormaux sur les massifs de fondations.
Le caractère inopérant du joint de dilatation prévu résulte majoritairement de défauts de mise en œuvre au montage :
- jeu bloqué par mauvais assemblage :
- boulons de liaison trop serrés
- absence de bagues-entretoises
- jeu fonctionnel prévu au plan, mais non respecté
- mauvaise mise en œuvre des appuis néoprènes ne permettant pas les déplacements (appui théoriquement glissant rendu non glissant par le montage)
- création de points durs par l’utilisation de mortier de remplissage insuffisamment ductile au droit des fourreaux de broches sur appuis
- présence de chargements parasites non prévus en phase conception (stockage de charges lourdes en excès en cours de chantier)
3. Les bonnes pratiques
Le dossier d’exécution réalisé par le bureau d’études structure de l’opération doit préciser :
- la configuration de l’ouvrage à partir de vues en plans, coupes, détails permettant la définition des éléments structuraux : portées, entraxes, sections transversales, côtes de niveau
- les hypothèses à prendre en compte pour le dimensionnement : charges appliquées, tenue au feu, sollicitations sismiques, implantation des JD
- les détails de ferraillage des éléments coulés en place pouvant interférer avec la pose des composants (attentes d’un poteau, broches dans l’élément porteur, espaces d’appui sur les poutres ou les voiles).
La qualité de ce dossier conditionnera la bonne exécution en aval et évitera les improvisations sur le site lors du montage, source indéniable d’erreurs et de sinistres.
À partir du dossier du bureau d’études structure, le fabricant des éléments béton établit les plans de fabrication et les détails d’assemblage ainsi que le plan de montage. Ces plans doivent intégrer les contraintes de montage et de positionnement des éléments structuraux en phase provisoire.
Les détails d’assemblage doivent définir :
- les dispositions d’étaiement pour la mise en œuvre et les phases d’ouvrages provisoires
- les ferraillages complémentaires (armatures en chapeaux, armatures de couture, armatures de recouvrement dans les nœuds de clavetage)
- le détail des dispositifs d’appui dont les appuis à glissement, micro-mortiers de calage…
- les fonctionnalités requises et les jeux fonctionnels nécessaires dans les assemblages et jonctions concernés
- la classe de résistance et le type de béton ou de mortier de scellement à mettre en œuvre.
Ces détails doivent être définis en concertation entre le bureau d’études structure de l’opération, le BET du fabricant et l’entreprise qui, au final, les mettra en œuvre. Leur validation par le contrôleur technique est à obtenir.
Le responsable de la pose devra impérativement réceptionner les ouvrages supports de l’ossature préfabriquée avant de débuter la pose. Les éléments de l’ossature eux-mêmes doivent être vérifiés et réceptionnés à la livraison sur site.
Lors de la pose, les hypothèses prévues et mentionnées sur les plans, les dispositions d’armatures complémentaires et les caractéristiques des bétons et mortiers de clavetage et de scellement seront rigoureusement respectées.
Une attention particulière sera portée par le monteur aux assemblages devant conserver des libertés de déplacements (glissement) et le montage devra préserver cette possibilité. Dans le cas d’appui avec déplacement relatif, l’espace entre abouts ou éléments doit être conforme au plan de pose et vérifié comme tel.
Après réalisation des remplissages des fourreaux de broches, les résidus de mortier ou de béton ayant pénétré entre la poutre et le support seront enlevés en totalité.
NB : depuis juillet 2011, les procédés d’éléments de structure linéaires préfabriqués en béton sont traditionnels du fait de la parution au CSTB du constat de traditionnalité N°3/10-668.
Ces éléments relèvent de la norme harmonisée NF EN 13225 Produits préfabriqués en béton – Éléments de structure linéaires (août 2013) et les ouvrages de la NF DTU 23.3 Travaux de bâtiments – ossatures en éléments industrialisés en béton (juin 2008).
La marque NF est une démarche complémentaire de certification volontaire garantissant les caractéristiques des produits aux exigences du NF DTU 23.3
4. L’œil de l’expert
5. L’essentiel
- Les éléments de l’ossature doivent être vérifiés et réceptionnés à la livraison sur site.
- Respecter rigoureusement au montage les stipulations du plan de pose, notamment en matière de configuration d’appui.
- Les joints de dilatation prévus doivent être effectivement opérationnels et le montage doit respecter les jeux fonctionnels prévus et respecter les déplacements relatifs prévus.
6. À consulter
- DTU 23.3 (P19-202) Ossatures en éléments industrialisés en béton
- NF EN 13225 Produits préfabriqués en béton – Éléments de structure linéaires (août 2013)
- DTU 23.2 (P19-201) Planchers à dalles alvéolées préfabriquées en béton
- Eurocode 2 Calcul des structures en béton
- NF EN 206/CN Béton – Spécification, performance, production et conformité (décembre 2014)
- CERIB Guide de mise en œuvre pour les éléments linéaires de structure préfabriqués en béton ( juin 2005)
- FIB – CERIB Recommandations professionnelles pour les assemblages entre éléments d’ossature ( juin 2001)
- SETRA Guide technique – Appareils d’appui en élastomère fretté 2007
- Avis techniques ATE + DTA pour les produits et procédés autres que traditionnels