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Démarche low-tech – Une nouvelle façon d’aborder la rénovation énergétique du bâti ancien

Revue Qualité Construction N°192 - Mai/Juin 2022
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La rénovation du bâti ancien représente un enjeu environnemental et social majeur, au regard de deux impératifs : la mise aux normes, en particulier pour faciliter l’accessibilité et respecter la protection incendie,  et l’amélioration des performances thermiques et acoustiques. Rénover dans un esprit low-tech s’inscrit dans un objectif global bas carbone à budget maîtrisé, comme le montre une sélection illustrative de chantiers réalisés ces dernières années.

De plus en plus connue, la démarche low-tech de frugalité volontaire combine une parcimonie dans l’usage des ressources, une durabilité et une robustesse des systèmes constructifs ainsi qu’une maintenance simplifiée qui « évite », par exemple, les équipements sophistiqués. L’objectif est d’établir des priorités afin d’être efficace sans surenchère de moyens matériels. Une sélection de chantiers permet d’illustrer concrè­tement cette démarche low-tech. Au-delà de la disparité des typologies de bâtiments, des points communs émergent : un budget maîtrisé, un investissement dans les études et dans la formation des entreprises, un recours à des matériaux locaux et peu transformés, et plus généralement, des matériaux bas carbone recyclés et/ou biosourcés ; mais aussi, globalement, peu d’équipements complexes à entretenir avec, par exemple, le recours à la ventilation naturelle lorsqu’elle peut être mise en œuvre.

Améliorer le confort d’une bâtisse du XIXe siècle

Ainsi la transformation et la rénovation de la maison diocésaine Odette Prévost à Châlons-en-Champagne (51) s’est faite avec une ambition architecturale forte en termes d’espaces mais avec une économie dans les matériaux d’isolation employés, issus des filières locales bois et chanvre. L’opération a été confiée à l’agence d’architecture méandre etc’. Les travaux représentaient une surface utile finale de 1 393 m2.

Après avoir gagné le concours, les architectes ont proposé au maître d’ouvrage d’aller plus loin que l’application stricte de la réglementation en s’engageant dans une démarche HQE®, en améliorant la performance de l’enveloppe et en utilisant des matériaux locaux. « Le maître d’ouvrage a accepté le projet à condition que le budget initial soit respecté, confie Emmanuelle Patte, architecte associée de l’agence méandre etc’. Cette frugalité revendiquée a obligé à trouver des solutions avec les entreprises locales, en acceptant certains défauts. Un autre axe a été de mobiliser les ressources locales pour les matériaux, en particulier la filière de la culture du chanvre mais aussi le bois du pays pour des poteaux de reprise de structure, en fûts de chêne de la forêt d’Argonne, ainsi que pour des bardages et des menuiseries. »

Désaffectée depuis plusieurs années, la maison diocésaine est une bâtisse du XIXe siècle construite en longueur sur quatre niveaux, deux étages plus attiques. Massifs, avec une épaisseur de plus de 50 cm, les murs extérieurs d’origine sont composés d’un parement extérieur en pierre de taille en craie blanche, d’une cloison intérieure en briques de terre crue ou cuite avec un remplissage de tout-venant y compris de la terre à l’intérieur.

Rénovation des façades

La rénovation de l’enveloppe a duré pendant toute la durée des travaux. Les menuiseries ont été refaites par l’entreprise de menuiserie Schumer à Sézanne (51), avec des châssis en chêne issu de forêts locales et un double vitrage à lame d’argon. Les joints de l’ensemble des façades ont été repris au mortier de chaux. Une spécificité du projet vient de l’utilisation d’un enduit chaux-chanvre en finition intérieure sur la paroi de briques. Cet enduit a été mis en œuvre sur la surface intérieure de tous les murs verticaux, sauf pour le dernier étage sous combles où les cloisonnements ont été conservés. La couche d’enduit existante a été enlevée pour assurer une meilleure accroche de la nouvelle couche. Épais (7 à 8 cm), le nouvel enduit renforce l’isolation thermique et apporte de l’inertie. L’incorporation du biosourcé (la chènevotte) est un régulateur naturel de l’hygrométrie intérieure, qui apporte un meilleur confort aux occupants et conserve la qualité de la façade perspirante. En conjuguant la forte inertie thermique des murs avec un enduit intérieur chaux-chanvre aux propriétés isolantes, la sensation de confort thermique est réelle, en hiver comme en été.

La chènevotte est une ressource locale fournie par la coopérative chanvrière de l’Aube. La mise en œuvre de l’enduit a été confiée à une entreprise de maçonnerie familiale, Hauteville, qui a été formée par la Chanvrière de l’Aube. Depuis, cette entreprise a développé une offre avec le chanvre pour les bâtiments à pans de bois. Le séchage de l’enduit a demandé, malgré la saison estivale, de déshumidifier l’air intérieur pour que l’humidité ne soit pas absorbée par les planchers. « Le bureau d’études thermique MCI Thermique avait dimensionné au départ la nouvelle chaudière gaz avec une isolation classique composée d’un isolant PSE et d’un BA13. Et avec la solution enduit au chanvre, le calcul donnait le même dimensionnement. Il s’agit d’un des premiers ERP à avoir été isolé au chanvre et l’enduit laissé apparent a été considéré comme décoratif, il n’a donc pas été nécessaire de demander une ATEx du CSTB », se félicite Emmanuelle PATTE.

“La démarche low-tech passe par la maîtrise des ressources et du budget, et un travail sur l’architecture qui conserve son importance”

Nouveaux espaces et confort thermique

Un principe général d’un point de vue architectural était de ne pas toucher aux façades extérieures. Fermée de l’extérieur, la maison devait être ouverte et conviviale à l’intérieur. Une rue intérieure a donc été percée sur trois niveaux, en supprimant les couloirs centraux et une partie des planchers. Au rez-de-chaussée, un mur porteur a été détruit et des pièces décloisonnées pour créer deux espaces ouverts. La toiture du bâtiment principal a été refaite avec les mêmes tuiles industrielles que celles d’origine. Au rez-de-chaussée, la dalle sur terre-plein pouvait être froide en hiver, ce qui a conduit à déposer les planchers. Une rupture capillaire a été installée pour prévenir les remontées d’humidité, complétée d’un plancher chauffant et de dalles en basalte, apportant un confort thermique par rayonnement basse température. La distribution du chauffage dans le logement de fonction est un plancher chauffant de 280 m2 au rez-de-chaussée, en pose sèche, alimenté par une petite installation solaire thermique en toiture complété par un chauffage d’appoint au gaz.

Dans le bâtiment principal, l’eau chaude (chauffage et eau chaude sanitaire) est fournie par deux chaudières à condensation gaz en cascade. La ventilation est naturelle dans les étages inférieurs, qui profitent du tirage thermique de la rue intérieure, et devait être traversante au 3e étage. Mais cette ventilation naturelle traversante est difficile à mettre en œuvre du fait du cloisonnement conservé des bureaux en attique. « Avec le recul, souligne Emmanuelle PATTE, tout a bien fonctionné avec un maître d’ouvrage, l’évêque de Châlons-en-Champagne, qui faisait confiance à la maîtrise d’œuvre. Cependant, l’investissement en temps de conception et de mise au point pour faire aboutir un projet pionnier ainsi que la recherche de subventions ne sont pas négligeables. Le bureau de contrôle et le SDIS ont été un soutien pour trouver des solutions sécurisées sur ce projet innovant. Les entreprises se sont investies activement avec l’architecte sur le chantier pour la réussite de ce bâtiment fédérateur, symbolique pour le diocèse et la ville. » La démarche low-tech passe par la maîtrise des ressources et du budget, et un travail sur l’architecture qui conserve son importance. Elle consiste également à trouver des solutions simples, pérennes et locales, et à privilégier la formation des entreprises afin de structurer la filière.

“La maîtrise d’ouvrage avait la volonté d’être exemplaire sur le plan de l’impact carbone tout en profitant du chantier pour faire monter en compétence des entreprises conventionnelles de ravalement et d’ITE”

Immeuble collectif  : ITE en bottes de paille

Le chantier récent d’un immeuble de logements sociaux situé rue de la Convention à Paris est innovant dans la mise en œuvre d’un matériau traditionnel, la botte de paille, sur des pignons en R+7. Pour le compte du bailleur social Paris Habitat, les agences d’architecture Landfabrik et Trait Vivant ont conduit la rénovation énergétique de cette résidence collective datant des années trente et comportant 14 logements sociaux. Au programme, des travaux classiques comme le changement de menuiseries, en double vitrage et châssis bois, la mise aux normes électriques et l’isolation thermique du bâtiment par un choix expérimental : de la paille en Isolation thermique par l’extérieur (ITE). La maîtrise d’ouvrage avait en effet la volonté d’être exemplaire sur le plan de l’impact carbone tout en profitant du chantier pour faire monter en compétence des entreprises conventionnelles de ravalement et d’ITE. « Le bailleur avait déjà conduit une opération similaire avec des caissons préfabriqués en paille pour une résidence étudiante de 145 chambres située rue du Colonel-Pierre-Avia à Paris, précise Benoit ROUGELOT, architecte chez Landfabrik. Mais ce nouveau projet rue de la Convention présentait le défi de la hauteur. En effet, l’immeuble comportait deux pignons construits en moellons et très peu percés, qui n’avaient jamais été enduits et pouvaient servir de terrain d’expérimentation à petite échelle, sur 334 m2 de façade, pour de l’ITE en paille. » L’opération a été livrée en janvier 2021.

Outre les deux agences d’architecture, le groupement de maîtrise d’œuvre qui a gagné le concours comprenait le bureau d’études énergie Qui Plus Est et le bureau d’études structure Cambium Design. Ce dernier a notamment calculé la résistance structurelle du mur en moellons avec le contreventement par planchers bois existants et prédimensionné les « épines ». Un bureau de contrôle expérimenté dans le biosourcé a aussi été choisi très tôt. Le groupe Apave a été retenu avec, comme interlocuteur, Laurent Dandres, référent national en biosourcé et géosourcé. Son rôle sur le chantier : améliorer la sécurité, protéger l’en­vi­ron­nement et optimiser la performance des installations et des équipements. Parmi les entreprises sélectionnées sur le projet figurent le menuisier Depuis 1920, l’association Collect’IF Paille qui a mis en œuvre une paille de provenance régionale et issue de l’agriculture biologique, et la coopérative Apij Bat. La terre, autre ressource locale, provient d’un chantier d’excavation du Grand Paris à Romainville (93). Elle a été utilisée pour imprégner les bottes de paille d’un badigeon de terre (une barbotine très liquide). Cette première couche d’accroche sur les bottes de paille est destinée à les protéger du feu et de l’humidité le temps du chantier, avant l’application d’un enduit chaux-sable de 4 cm d’épaisseur.

Consolider les Règles professionnelles

Les Règles professionnelles Construction en paille, remplissage isolant et support d’enduit existent depuis 2012. Acceptées par la C2P (Commission Prévention Produits mis en œuvre) de l’AQC, elles sont qualifiées de « technique courante » en termes assurantiels. Mais pour l’instant le chapitre encadrant l’usage de la paille sur ITE manque de références construites et de retours d’expérience. Ce nouveau projet entre dans le cadre d’une expérimentation nécessaire par le chantier et par la preuve permettant de consolider les Règles professionnelles.

La méthode de pose innovante, retenue sur ce chantier, est la technique en épines : les bottes de paille sont insérées entre des montants en bois de l’ossature, pour les cinq niveaux allant du 2e au 7e étages. « Le bureau de contrôle a proposé d’interpréter les Règles professionnelles qui traitent du cas d’une ossature bois sur planchers neufs avec isolant et support enduit. La différence sur ce chantier est que les épines sont fixées à une façade existante. Afin de concevoir le projet, il fallait minimiser la quantité de bois en dimensionnant au plus juste le nombre des épines et ainsi réduire les charges reportées sur le mur existant. Le nombre de points de fixation des épines de bois par équerrage a été optimisé en tenant compte du manque de fiabilité des joints du support en moellons », argumente Benoit ROUGELOT. Autre sujet, les Règles professionnelles pour la paille sont limitées au R+2, essentiellement pour des questions de propagation du feu d’un étage à l’autre.

Sur les deux premiers niveaux, une expérimentation innovante a été menée en suivant une méthode de pose de la paille que l’architecte Volker EHRLICH de l’agence Trait Vivant avait testée lors de la construction de sa maison individuelle. Cette technique dite des bretelles permet de diminuer la quantité de bois utilisée et simplifie la pose. Les bottes sont posées horizontalement et fixées directement à l’aide de sangles en polypropylène, qui sont tendues et accrochées mécaniquement dans le mur.

Chantier low-tech et montée en compétence

Les techniques d’isolation employées sur ce chantier sont simples, nécessitent peu d’outils mais demandent du savoir-faire. Sur le coût total, les matériaux ont représenté 5 % et la main-d’œuvre 67 % ; en comparaison, sur un chantier d’ITE classique, les matériaux comptent pour 20 % et la main-d’œuvre de l’ordre de 40 %. L’idée était d’être vertueux (circuits courts, matériaux biosourcés et disponibles à proximité comme la terre et les bottes de paille, savoir-faire locaux et transmissibles) afin de pouvoir répliquer l’opération, en innovant sur la pose de la paille.

Ainsi, au lieu de faire venir des caissons préfabriqués, l’assemblage et la pose sur site par bretelles ont été organisés sur place, via des ateliers participatifs, pour permettre aux riverains de venir observer. En revanche, la partie du chantier qui comprenait la pose des épines a été traitée comme un marché public classique. Autre aspect clé de cette approche globale low-tech : le matériel utilisé s’est limité aux échafaudages et à une poulie manuelle pour monter les matériaux, dont les bottes de paille (entre 15 et 20 kg la botte). « Les couches d’enduit – corps et enduit de finition – ont été projetées à la machine puis lissées à la main. La pose de l’enduit a été sous-traitée à l’entreprise Ravalement de Paris, qui a été formée à l’enduit direct sur bottes de paille. Deux tests récents au CSTB et FCBA garantissent une tenue au feu pendant 2 heures de ce complexe. Le gain est de 7 m2.K/W sur la résistance thermique finale du complexe moellons et paille par rapport à celle initiale », assure Benoit ROUGELOT.

Rénovation réglementaire à la Cité U

Dans le cas de la résidence étudiante de la Maison de la Suède à la Cité Universitaire de Paris, la problématique de rénovation comprenait, outre une amélioration du confort et de la performance thermique et acoustique, la recherche de réponses adaptées au budget et aux objectifs réglementaires vis-à-vis de l’accessibilité et de la protection incendie. Le bureau d’études environnemental Ailter a été missionné en tant qu’AMO. D’une surface de 1 683 m2, ce bel édifice a été construit en 1931 avec des murs extérieurs en briques creuses enduites sans isolation. Il peut accueillir 50 résidents. « La nouvelle directrice de la Fondation de la Maison avait plusieurs objectifs pour la rénovation : la conformité réglementaire au feu et pour l’accessibilité, le confort des résidents et la qualité de l’accueil lors des événements, précise Christine LECERF, gérante de Ailter. Deux études avaient déjà été faites mais les devis étaient trop élevés, s’élevant respectivement à 1,20 M€ et 2,90 M€ HT. Très attentive à bien gérer l’argent public de l’État suédois, la maîtrise d’ouvrage a souhaité se faire accompagner pour conduire le projet vers la frugalité au plus juste des besoins. » Les études de programmation ont eu lieu en 2013 et les travaux se sont déroulés en deux tranches, une première en 2014 et la seconde en 2015. Finalement, le budget des travaux réalisés s’est élevé à 720 000 € HT.

Besoins affinés et tenue du budget

Quel est le besoin réel ? La réponse a été construite en identifiant très finement les actions à entreprendre en fonction des priorités réglementaires et fonctionnelles. Réglementairement, la mise aux normes d’accessibilité pour les handicapés concernait une partie ERP située au rez-de-chaussée où ont lieu des événements culturels ainsi que l’hébergement d’étudiants handicapés. Or l’analyse réglementaire a montré qu’il n’était pas nécessaire de rendre accessible tous les logements contrairement aux hypothèses prises pour établir les premiers devis. Il suffisait de créer un logement accessible au rez-de-chaussée, ce qui a été fait par la création d’un studio en diminuant la superficie de l’appartement de fonction. Une seule réponse à un double problème a ainsi été apportée en créant une entrée commune accessible à la fois pour la partie ERP et pour le logement du rez-de-chaussée. Comme il était impossible de rendre accessible l’entrée principale avec ses escaliers sans é­qui­pement mécanique, l’idée retenue a été de construire une rampe PMR qui suit le contour du bâ­timent et arrive sur la terrasse côté sud donnant sur le salon. Cela a permis de conserver l’aspect patrimonial de la façade et d’éviter un coût de maintenance.

Afin de répondre à la réglementation incendie, un écran en verre a été ajouté au rez-de-chaussée ainsi que des portes coupe-feu aux étages. Dans l’ancienne configuration, un lavabo se trouvait dans chaque chambre et des douches étaient collectives à chaque étage. Les premiers devis prévoyaient une douche par chambre ce qui impliquait des travaux conséquents. Les étudiants ont été interrogés pour connaître leurs besoins et leurs attentes, et n’ont pas exprimé de problème à partager les douches. En revanche, ils ont défendu l’existence d’un espace cuisine collectif de qualité, qui a été réaménagé à chaque étage ou créé.

Isoler thermiquement et acoustiquement

Concernant l’isolation de l’enveloppe, les performances des fenêtres d’origine à châssis bois avaient déjà été améliorées par l’ajout d’une seconde fenêtre. Ceci n’a pas été remis en cause pour des questions de conservation de l’existant et de coût. En revanche, l’espace entre les deux fenêtres n’était pas ventilé ce qui entraînait des problèmes de condensation. Pour assurer une meilleure ventilation, des entrées d’air ont donc été créées en partie basse de la fenêtre extérieure et en partie haute de la fenêtre intérieure. Un effet pariéto-dynamique est ainsi obtenu avec l’air extérieur montant entre les deux fenêtres qui est réchauffé par le soleil avant de pénétrer dans les logements. Comme il fallait éviter la pose de volets pour ne pas toucher à l’aspect extérieur des façades, des rideaux intérieurs thermiques avec face métallisée vers l’extérieur ont été posés, ce qui limite l’effet paroi froide en hiver.

Autre élément à retenir de cette opération : la toiture (en tuiles et terrassons en zinc sur charpente en bois) a été isolée par un isolant de type laine de verre. Les combles composés de studios pour les étudiants ont été rénovés et des studios de répétition ont été aménagés. Un travail a aussi été effectué sur l’isolation acoustique. Les portes de séparation en bois massif bénéficiaient déjà d’une acoustique performante qui a été renforcée en posant un joint résilient sur le cadre de la porte. Par ailleurs, une isolation acoustique a été posée en sous-face des plafonds des parties communes.

“Il est indispensable de travailler avec les usagers du bâtiment de manière à bien identifier les besoins, y compris en neuf dans le cas où un contrat existe avec les futurs usagers ou leurs représentants”

Améliorer l’efficacité des systèmes existants

Pour l’éclairage, les ampoules ont été remplacées par des tubes fluorescents T5 avec détection de présence. Pour la ventilation, une pré-étude a montré que compte tenu de la faible étanchéité à l’air du bâtiment, une ventilation double flux avec récupération de chaleur ne serait pas la solution la plus efficace. La ventilation simple flux a donc été conservée en améliorant l’acoustique par des pièges à son et des bouches acoustiques pour éviter que les résidents ne condamnent les bouches d’extraction à cause des nuisances sonores. La centrale de ventilation a été remplacée pour augmenter les débits. Des mesures de débit à l’extraction ont été faites à la réception de l’ouvrage et un ventilateur a été ajouté dans une des gaines pour atteindre les niveaux visés.

Côté chauffage, la chaudière centrale au gaz a été conservée. Le réseau de distribution a été maintenu, mais il a été désemboué et rééquilibré avec des pompes à débit variable. Des robinets thermostatiques ont été posés.

« Ce projet a été une belle aventure avec un très beau bâtiment à rénover, souligne Christine LECERF. Il était passionnant de travailler avec une maîtrise d’ouvrage suédoise qui porte un regard différent. En bilan rapide, il est indispensable de travailler avec les usagers du bâ­timent de manière à bien identifier les besoins, y compris en neuf dans le cas où un contrat existe avec les futurs usagers ou leurs représentants. Enfin, je pousserais à raccorder le bâtiment au réseau de chaleur urbain alimenté par des EnR pour limiter encore plus l’impact carbone. »

Maison portée au niveau passif

Dernier exemple inspirant de la démarche low-tech, cette fois appliquée à une maison individuelle des années quatre-vingt, située à Magny-les-Hameaux (78). La rénovation intégrale a permis de transformer ce pavillon au mode constructif classique en une maison passive, en misant tout particulièrement sur l’orientation et le potentiel d’ensoleillement peu exploités.

Accompagné du BET Solares-Bauen, l’atelier d’architecture Karawitz s’est vu confier en 2009 le chantier de rénovation de cette maison de 153 m2, livrée en 2011. Une particularité de ce pavillon construit en parpaings est l’absence de prise en compte de l’orientation dans la conception. Le souhait du nouveau propriétaire – qui tient un blog sur cette transformation et des sujets similaires – était de rénover la maison en atteignant le standard bâtiment passif, suivant les exigences de la certification pour le neuf. Mais il était inhabituel en 2009 de réaliser une rénovation passive, une des questions étant d’obtenir une bonne étanchéité à l’air. Or, si la maison existante était médiocrement isolée, la construction était de bonne qualité avec un enduit intact qui montrait que le gros œuvre n’avait pas souffert. Il était donc possible d’obtenir une très bonne étanchéité à l’air avec une isolation rapportée. Par ailleurs, les espaces étaient bien configurés et très fonctionnels. Au premier étage, le cloisonnement réduit a facilité la création d’une nouvelle disposition intérieure. Des économies ont ainsi été réalisées pour la pose d’une ventilation double flux du fait de conduits courts. La cuisine, seule pièce conservée en l’état, avait été rénovée quelques années auparavant.

« La maison a été construite sur les marges d’isolement du PLU et en venant poser 30 cm de PSE (polystyrène expansé) en ITE, nous étions au-delà des marges d’isolement, ce qui n’était pas réglementaire. Mais la maîtrise d’ouvrage a fait de la pédagogie auprès de la ville et de l’association locale sur l’énergie, et le maire a accordé une dérogation. Cette décision a été suivie plusieurs mois plus tard d’une modification du PLU. Il était donc possible de prendre sur la marge d’isolement, néanmoins nous avons veillé à conserver les nouvelles fenêtres au nu existant ce qui n’était pas optimum d’un point de vue thermique », explique Milena KARANESHEVA, architecte et cofondatrice de l’Atelier Karawitz. Par ailleurs, la petite isolation intérieure de 8 cm en PSE a été conservée. Les travaux ont été effectués en deux temps. Une première tranche lourde a été réalisée avec la maison non occupée, dont la démolition de la toiture existante et la pose de la nouvelle couverture, ainsi que le changement des menuiseries en triple vitrage avec châssis bois. Ensuite dans un second temps, plus de quatre mois de travaux ont été réalisés avec la maison occupée dont la pose de l’isolant extérieur et l’isolation thermique du sous-sol.

“Cette rénovation a joué un rôle important dans l’évolution des pratiques et a servi de référence pour lever certains verrous pour d’autres projets”

Chasser les ponts thermiques, récupérer la chaleur…

Quelques détails du chantier sont expliqués par l’architecte : « Composée de fermettes, l’ancienne toiture était difficile à bien isoler. Elle a donc été refaite intégralement, et nous en avons profité pour surélever en partie et créer des chambres. À l’époque, il n’existait pas de fenêtres de toiture certifiées passives. Nous avons installé des fenêtres verticales en faisant appel à Menuiserie André, une menuiserie familiale qui a fourni les menuiseries passives à châssis bois et alu, des profils bois avec un petit capotage alu clipsé. Si le capot est usé, il peut être déclipsé et changé. »

La dalle de sous-sol en poutrelles et hourdis était recouverte de 2 cm de PSE sous chape. De l’isolant en PU (polyuréthane) a été projeté en sous-face du plancher haut de la cave et a été appliqué sur un mètre de part et d’autre des murs périphériques et des cloisons intérieures. Cette solution qui supprime les ponts thermiques, permet en outre d’obtenir une excellente étanchéité à l’air. Pour l’isolation des murs extérieurs, des solutions biosourcées ont été étudiées de type ouate de cellulose ou fibre de bois en panneaux avec une double ossature, mais l’épaisseur nécessaire était trop importante. D’où le choix du PSE.

Pour garantir un bon confort d’été, le rôle de la protection solaire est très important. Toutes les fenêtres ont été équipées de brise-soleil orientables (BSO Warema), à l’exception des petites fenêtres des salles de bains (est et ouest). Leur rôle : laisser entrer la lumière naturelle tout en protégeant du soleil estival. Au global aucun autre équipement n’a été installé en dehors d’une ventilation double flux avec récupération d’énergie et d’un radiateur.


Cette rénovation a joué un rôle important dans l’évolution des pratiques et a servi de référence pour lever certains verrous pour d’autres projets. La garantie décennale s’est terminée l’an dernier. Le comportement de la maison a été instrumenté et suivi par le maître d’ouvrage, avec des mesures de la température intérieure et extérieure. Le résultat est très satisfaisant, que ce soit en cas de hausse ou de baisse de la température extérieure. Avec un seul radiateur électrique mobile et deux sèche-serviettes, la température intérieure demeure dans la fourchette de 20 à 25 °C. Le résultat du calcul PHPP pour la certification passive effectué par le bureau d’études avait donné 4 % de surchauffe annuelle, mais dans la réalité il n’y a pas de surchauffe (confirmé par l’architecte). La consommation mesurée moyenne est de 6 000 kWh/an pour cinq personnes, à comparer avec les données avant travaux : environ 30 000 kWh/an (pour deux personnes). Les consommations totales ont donc été divisées par 5, et celles du chauffage par 10. Enfin, le projet a intégré un volet économie circulaire piloté par le maître d’ouvrage qui s’est efforcé d’organiser la réutilisation des éléments déposés : les tuiles et menuiseries double vitrage ont été récupérées par des particuliers via des petites annonces, le bois de la charpente a servi à bâtir une cabane pour les enfants… 📒

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« Sites et monuments protégés - Intégration architecturale d’équipements techniques et énergétiques » - Revue Qualité Construction Mai-Juin 2022 de l'AQC