Revue Qualité Construction N°199 - Juillet/Août 2023
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En plus d’une étanchéité efficace, les toitures-terrasses nécessitent une inspection régulière, au risque de nécessiter des travaux de réparation importants et onéreux. Tous les acteurs sont concernés : maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, gestionnaires, usagers… La planification d’une inspection régulière – via un contrat d’entretien - permet de détecter les problèmes potentiels, de programmer les réparations qui s’imposent ; de réduire les risques de sinistralité et d’assurer le bon fonctionnement de l’ouvrage.
François MICHEL, spécialiste national « Étanchéité, couverture et bardage » au département technique de Bureau Veritas Construction, rappelle que « la toiture, c’est comme une voiture, à une lettre près. Sans entretien, il faut s’attendre à de gros soucis. » « L’absence d’entretien aggrave les sinistres », insiste de son côté Manuel DECOODT, directeur « Qualité-Sécurité-Environnement » (QSE) chez Etandex, une entreprise spécialisée dans les travaux spéciaux d’étanchéité et de réparation d’ouvrages : « Les zones faibles sont identifiées et localisées principalement au niveau des points singuliers, notamment les relevés d’étanchéité. »
Dès lors, comment expliquer le peu d’attention accordée à l’entretien des toitures-terrasses ? C’est le « talon d’Achille des NF DTU », regrette François MICHEL. L’entretien est en effet mentionné uniquement à titre informatif dans les annexes des NF DTU. Ces dernières précisent : « Les prescriptions du présent document conduisent à la réalisation d’ouvrages de bonne qualité. Toutefois, la condition de durabilité ne peut être pleinement satisfaisante que si ces ouvrages sont entretenus et si leur usage est conforme à leur destination. »
Experte technique nationale « Étanchéité, couverture, cuvelage et réservoir » chez Socotec, Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA fait le même constat : « Si pendant de nombreuses années, les maîtres d’ouvrage avaient une vision patrimoniale et donc sur le long terme, ce n’est très souvent plus le cas aujourd’hui. » Pourtant, comme le souligne François MICHEL, les offices HLM semblent « conscients d’avoir un patrimoine à conserver ». Ils ne sont pas les seuls. « Les industriels et les gestionnaires de centres commerciaux » sont tout aussi sensibles à la question de l’entretien, note de son côté Alain DECORNIQUET, expert « Étanchéité, couverture et bardage » chez CPA Experts : « C’est le cas pour de multiples raisons : de grandes surfaces avec dommages importants en cas d’arrêt de l’activité en dessous, changement d’exploitants de boutiques, nécessitant des modifications en toiture avec, par exemple, l’installation d’équipements techniques, éléments porteurs souples la plupart du temps ne tolérant pas de surcharges d’eau causées par un manque d’entretien… »
Si la prise de conscience des propriétaires et exploitants de bâtiments conséquents, dont c’est le métier, est réelle, il en est tout autre pour les particuliers. Alain DECORNIQUET observe que « les particuliers ne se sentent malheureusement pas concernés par la problématique de l’entretien et se reposent majoritairement sur la garantie décennale des constructeurs pour effectuer et financer les réparations éventuelles. Le rôle causal d’un défaut d’entretien est rarement retenu par les juges. » Plus globalement, Denis LEHNEN, directeur technique chez Soprema, estime que « de nombreux clients n’effectuent pas d’entretien au début car ils pensent que leur bâtiment est tout neuf et donc exempt de défaut. Or l’entretien assuré dès le début est justement le moyen d’ajuster ce qui n’a peut-être pas été fait au mieux et de bien prendre en main le bâtiment pour la suite. »
Infiltrations, décollements, effondrement…
Le manque d’entretien entraîne peu à peu de multiples problèmes : décollement, glissement et déchirure des relevés d’étanchéité, plis sur les revêtements bitumineux autoprotégés, détérioration des joints des bandes solins, infiltrations, accumulation d’eau liée au colmatage des évacuations des eaux pluviales (débris et autres végétaux obstruant les voies de drainage), affaiblissement de la structure pouvant augmenter les risques d’effondrement (si dommages non réparés)… François MICHEL en liste deux principalement : « L’évacuation des eaux pluviales et les dispositifs écartant en tête les eaux de ruissellement, que ce soient les bandes solins ou bien encore les becquets. » Hervé PESQUET-FLORK, associé et technicien dans la recherche de fuites au sein d’Audit’eau, évoque pour sa part le cas d’une toiture-terrasse recouverte d’un revêtement autoprotégé qui présentait des décollements de l’étanchéité et un départ d’eau : « L’entreprise en charge de l’entretien, si elle n’est pas celle ayant réalisé les travaux initiaux, doit prendre des mesures conservatoires avec, par exemple, la mise en place d’une bande autoadhésive à froid ou du mastic. Ensuite, elle transmet son rapport au client pour que ce dernier alerte l’entreprise initiale, qui se chargera de refaire l’étanchéité au niveau du défaut, au chalumeau dans la plupart des cas. » Il rappelle aussi que « les sinistres sont parfois non détectables depuis les logements : une étanchéité percée au-dessus d’un isolant en polystyrène peut amener l’eau au nu supérieur de l’élément porteur en béton et décoller l’isolant jusqu’à former une rétention d’eau de 10 cm de hauteur ! Dès lors, tout est à refaire. Même si le logement situé en dessous est au sec, les infiltrations peuvent, à terme, provoquer la fissuration du béton et réduire à néant les performances thermiques de l’isolant. Un contrôle visuel aurait permis en amont de détecter et réparer ce défaut rapidement. »
Mais il y a plus grave selon François MICHEL : « Les éléments porteurs en bois et en tôle d’acier nervurée peuvent être mis en charge et aller jusqu’à l’effondrement. » Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA alerte elle aussi sur le danger des « éléments porteurs souples qui peuvent subir l’effet itératif de l’eau en cas d’accumulation et amener à l’effondrement de la toiture. Outre la conception de la toiture, l’entretien de ses systèmes d’évacuation des eaux pluviales est primordial. Les épisodes neigeux, qui alterneraient avec des redoux et donc de la fonte de neige, peuvent provoquer un cumul de neige et d’eau liquide sur les toitures, très problématique en termes de déformation des éléments porteurs. Les zones d’accumulation d’eau sont facilement décelables, même en période sèche, en identifiant les parties noirâtres sur la toiture-terrasse inspectée. » Denis LEHNEN souligne qu’il est possible d’identifier ces zones par voie aérienne, par l’utilisation de « drones ou bien encore via des services de cartographie en ligne ». La localisation géographique a son importance. François MICHEL fait remarquer que « les Eurocodes ne prennent pas en compte un chargement en eau exceptionnel, or la charge d’eau peut dépasser la charge de neige, en particulier dans le quart nord-ouest de la France, quand les évacuations sont bouchées », et ainsi provoquer un effondrement structural. Cela signifie que la structure est dimensionnée en sous-entendant implicitement que les systèmes d’évacuation fonctionnent toujours parfaitement, et donc qu’un entretien suffisant est réalisé. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
Opérations d’entretien : rôle de l’étancheur et du maître d’ouvrage
Les annexes des NF DTU relatives à l’entretien des ouvrages « sont des textes qui s’adressent aux constructeurs et non aux maîtres d’ouvrage », explique Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA. Or l’entretien relève de la responsabilité des maîtres d’ouvrage. Pour répondre à la fois à son devoir de conseil et aux exigences assurantielles, « l’étancheur propose des notices d’entretien et des contrats de maintenance systématiquement », indique Manuel DECOODT. Charge ensuite au maître d’ouvrage d’accepter ou de refuser ces contrats : « C’est une histoire de personnes et de prise en compte des enjeux », regrette Manuel DECOODT. Denis LEHNEN souligne l’importance de « confier l’entretien à un professionnel, car sans tomber dans l’exhaustivité d’un audit, le compagnon ne fera pas qu’un simple nettoyage et un dégagement des évacuations d’eaux pluviales, il apportera aussi son regard et sa capacité à vérifier l’état global de la toiture. »
Lors d’une opération de construction, le maître d’ouvrage peut s’appuyer sur le contrôleur technique, qui « doit contribuer à livrer un ouvrage entretenable », ajoute Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA. En effet, dans le cadre de sa mission visant à « contribuer à la prévention des aléas techniques dans l’acte de construire », précise-t-elle, le contrôleur technique a un devoir de conseil auprès du maître d’ouvrage dans les phases de conception et de construction.
Responsable du service « Maintenance et Évolution du Patrimoine » chez Silène, un Office public de l’habitat basé à Saint-Nazaire, Violaine GOURRIEREC témoigne : en tant qu’exploitant-gestionnaire, elle rappelle « le nécessaire pilotage des entreprises en charge de l’entretien, en particulier sur des parties de bâtiment peu visibles, et difficiles d’accès. Le suivi repose principalement sur des reportages photos et la confiance. » Elle cite l’exemple cocasse d’un rapport incluant les mêmes photos que l’année précédente : « Le travail n’avait pas été fait, le même rapport avait été utilisé en changeant juste la date d’intervention. » Ces travaux sont encadrés par un CCTP (Cahier des Clauses Techniques et Particulières) rédigé par le maître d’ouvrage. Dans le cas précis de Silène, le CCTP s’intitule Travaux d’entretien des toitures et des écoulements d’eaux pluviales pour la période 2022-2025.
Entretien : à quelle fréquence ?
À quelle fréquence l’étancheur (ou l’entreprise spécialisée en charge de cette mission) doit-il intervenir pour entretenir une toiture ? « L’entretien doit avoir lieu au moins une fois par an et les systèmes siphoïdes doivent être entretenus conformément aux indications fournies dans les Avis Techniques », rappelle Alain DECORNIQUET. Côté normes, le DTU 43.1 (NF P84-204) indique cependant que les « terrasses à pente nulle […] avec revêtement d’étanchéité autoprotégé peuvent nécessiter un entretien plus fréquent. Par ailleurs, s’il n’est prévu qu’une seule visite par an, elle est effectuée de préférence à la fin de l’automne pour les bâtiments situés à proximité d’arbres. » Concernant la chute des feuilles, Violaine GOURRIEREC estime qu’il faut « programmer au moins un passage par an, voire deux sur les sites feuillus ».
Hervé PESQUET-FLORK refuse pour sa part « toute demande d’entretien tous les deux ans uniquement. Les opérations d’entretien doivent intervenir au minimum une fois par an, et cela peut aller jusqu’à quatre visites par an pour des évacuations de type siphoïde(1), telles que rencontrées sur les toitures de grands bâtiments industriels. » Ou bien encore sur « les toitures du pourtour méditerranéen, où de gros orages peuvent survenir », complète François MICHEL. À titre d’exemple, l’Avis Technique (ATec n° 5.2/14-2386_V2) du produit Epams de la société Saint-Gobain PAM stipule que « l’utilisation d’un système siphoïde nécessite un entretien de la toiture plus fréquent que celui prescrit par les normes NF DTU séries 40 et 43. Les dispositifs d’évacuation (égouts, chéneaux, noues de rives et naissances) doivent être visités et nettoyés au moins deux fois par an : à l’automne et au printemps. » Cet Avis Technique précise « l’importance de l’environnement du bâtiment sur la fréquence de l’entretien » et indique la remise « d’un manuel de maintenance du système au maître d’ouvrage lors de l’envoi du courrier d’attestation de conformité ».
(1)Le vortex permet dans le cas de grandes toitures-terrasses de bâtiments industriels de remplacer des évacuations de diamètre 160 ou 200 par une multitude de tuyaux de diamètre plus petit, de l’ordre de 60 mm.
Impacts financiers et responsabilités
Pour Hervé PESQUET-FLORK, le coût de l’entretien annuel oscille entre « 0,15 et 0,20 €/m2 pour de très grandes surfaces(2), pouvant atteindre 1 à 2 €/m2 dans le cas des toitures-terrasses avec gravillons ». Alain DECORNIQUET confirme ces ordres de grandeurs, en soulignant « la dégressivité des prix au m2 quand il s’agit de grandes surfaces ». Pour les toitures végétalisées, plus complexes à entretenir, Violaine GOURRIEREC évalue à « environ trois fois plus cher le coût de l’entretien par rapport à celui d’une toiture-terrasse plus traditionnelle ».
Concernant les copropriétés, Alain DECORNIQUET rappelle l’importance de « surveiller fréquemment leurs toitures. Ce sont parfois des dizaines de kilos de végétation ou bien de paillettes d’ardoises qu’il faut évacuer, surtout les premières années après la pose des membranes bitumineuses. Plus on s’y prend tôt, moins les opérations sont coûteuses en logistique. » Dans le même esprit, Violaine GOURRIEREC insiste sur « la probabilité de chargement en eau des petites surfaces de toitures-terrasses, et par conséquent sur l’importance de les débarrasser le plus rapidement possible des obstacles pour assurer le bon écoulement des eaux pluviales afin d’éviter toute montée en charge au-dessus des limites étanchées. »
« Si l’entretien est légèrement plus cher pour les toitures-terrasses sous protection lourde (gravillons ou dalles sur plots)(3), le fait qu’elles durent environ 20 ans sans aucun problème, contre seulement 10 ans pour celles avec un revêtement autoprotégé, milite en leur faveur du point de vue de la durabilité », précise Hervé PESQUET-FLORK. Il évalue à « 30 €/m2 une dépose totale de dalles sur plots pour vérifier le bon état du support ». L’entretien relève donc d’une analyse au cas par cas, avec un regard à la fois technique mais aussi financier sur le long terme.
Beaucoup estiment qu’il est difficile d’évaluer les coûts de réparation à la suite d’un défaut d’entretien, tant les situations sont diverses. Denis LEHNEN évoque néanmoins l’importance des compagnons en charge de l’entretien pour « anticiper le bon moment, ni trop tôt, ni trop tard, pour une réfection, qui coûtera ainsi la moitié en coût et en gêne pour les intéressés. En effet, c’est un mauvais calcul d’attendre, surtout en sachant que la dégradation d’une membrane d’étanchéité est exponentielle dans le temps. » La responsabilité vis-à-vis d’un sinistre est elle aussi difficile à démêler tant les acteurs peuvent être nombreux et les situations diverses. Denis LEHNEN concède que « le défaut d’entretien n’est pas souvent la cause première, mais un facteur très aggravant ». Référente technique chez Silène, Florence HOURMAND ajoute de son côté que « dans le cadre de sinistres constatés et faisant l’objet d’une expertise, de nombreux justificatifs de bon entretien » sont communiqués à l’assureur « pour dégager, ou tout du moins réduire, la responsabilité de l’exploitant ».
Le constat est sans appel et demeure dans tous les cas : entretenir coûte moins cher que réparer sur le long terme, en termes financiers, techniques et juridiques.
Manuel DECOODT insiste sur « l’accessibilité et l’importance de laisser de la place au niveau des équipements, conformément aux NF DTU. Cela implique – dès la conception – de bien identifier les équipements et de prévoir des structures d’accueil conformes aux NF DTU. » Fixées sur les éléments supports, ces structures fonctionnent ainsi comme des pilotis. Il s’agit en effet de « bien connaître au préalable les équipements souhaités en toiture, ajoute Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA, pour les implanter correctement et ainsi pouvoir assurer leur entretien et celui de l’ouvrage d’étanchéité » : blocs froids, VMC, modules photovoltaïques, cheminements spécifiques… Autre exemple dans le domaine du végétal : « À partir de 100 m2 de toiture-jardin, une zone sans plante appelée “zone stérile” doit être aménagée pour pouvoir regarder l’état des relevés bitumineux », complète François MICHEL.
L’accès aux toitures-terrasses n’est pas le seul paramètre essentiel ; la sécurité des personnes intervenantes doit également être assurée. Manuel DECOODT préconise ainsi « des sécurités collectives permanentes, tels des garde-corps ou bien encore des acrotères suffisamment hauts, à l’image de ceux présents dans les architectures des années 1970 ». « Si c’est techniquement impossible, prévient François MICHEL, des protections individuelles peuvent être envisagées, mais attention aux terrasses pour lesquelles les éléments porteurs sont souples : bois, panneaux à base de bois, tôles d’acier nervurées. Les NF DTU 43.3 et 43.4 ne prévoient pas l’ancrage de ligne de vie dans ces éléments porteurs qui n’ont pas de fonction structurale. À ce jour, aucun référentiel consensuel et collégial ne détaille la conception ni les conditions dans lesquelles ils doivent être mis en œuvre. Il est à noter que la NF EN 795, qui traite des dispositifs d’ancrage pour les équipements de protection individuelle contre les chutes, n’envisage ces ancrages que dans des structures. Il en est de même dans la Recommandation R430 de la CNAMTS(4). » Hervé PESQUET-FLORK estime que la situation « évolue dans le bon sens et dans 75 % des cas, les toitures des bâtiments de logements et de bureaux possèdent des lanterneaux d’accès avec une petite échelle. Pour les bâtiments industriels, l’accès se fait avec une crinoline. Il reste des cas paradoxaux où l’accès ne peut se faire qu’avec une échelle, à des hauteurs de 8 à 10 m, car l’accès avec une nacelle n’est pas reconnu par l’Inspection du travail. »
« Les choix faits dès la conception permettent d’optimiser et de réduire le coût de l’entretien, assure Denis LEHNEN. L’entretien coûte moins cher avec des acrotères prévus dès le début. » Dans la durée, l’ajout de lignes de vie et de points d’ancrage majore les coûts.
Manuel DECOODT précise de son côté que « les isolants posés sur les éléments porteurs en béton sont majoritairement en polyuréthane ou en PSE, alors que sur les bacs acier, la laine minérale est davantage utilisée ». Ce type de complexe « élément porteur-isolant-étanchéité » impose des précautions dans les usages futurs et entraîne des conséquences non négligeables dans les opérations d’entretien : « Des dalles sur plot ne sont pas adaptées sur de la laine de roche, et généreraient rapidement un percement de l’étanchéité. » Il préconise « une bonne identification de l’usage de la structure dès la conception ». Denis LEHNEN rappelle que la durabilité de l’ouvrage repose sur « une conception bien faite et des responsabilités bien définies ».
Toujours en amont de l’entretien, et plus particulièrement en phase construction, François MICHEL estime « qu’un point d’arrêt » est indispensable « au moment de mettre en œuvre la protection lourde, dure, et non démontable (chape mortier, dalle béton ou jardin) sur l’étanchéité. Réaliser l’opération en présence des deux corps d’état qui interviennent peut diminuer le risque que le plan d’étanchéité soit percé et permet d’effectuer les réparations sur-le-champ, le cas échéant. »
Dans le cadre spécifique des toitures-jardins ou végétalisées, l’étancheur dresse la liste des végétaux admissibles et la transmet au paysagiste pour lui permettre de réaliser son projet de toiture-terrasse. « Les végétaux sont choisis parmi ceux ne présentant pas de systèmes racinaires perforants, ni de grand développement », décrit Hervé PESQUET-FLORK. En complément, Alain DECORNIQUET évoque « les bandes stériles à prévoir pour réparer facilement les relevés sur les toitures végétalisées, conformément aux dispositions des Règles professionnelles ».
Les toitures-terrasses et le changement climatique
Les toitures-terrasses ont un rôle important à jouer en matière d’isolation thermique (encore plus depuis la RE2020), de rétention des eaux de pluie (pour éviter un engorgement des réseaux urbains en cas de fortes précipitations) et de production d’énergie renouvelable.
Les nouveaux usages, non visés par les NF DTU et les Règles professionnelles, induisent des risques spécifiques sur les toitures étanchées. Si l’entretien de ces toitures particulières pose parfois des problèmes d’accessibilité, leur conception doit anticiper les enjeux techniques spécifiques. Marthe JACQUEAU-GRAMAGLIA cite le cas précis des centrales photovoltaïques ajoutées en toiture. Il faut être vigilant sur « les charges climatiques (neige, vent) qui s’exercent ponctuellement sur les différents composants (éléments porteurs, isolant, revêtement), et modifient profondément le comportement global de la toiture et donc la conception des complexes d’étanchéité. » Alain DECORNIQUET pointe aussi l’arrivée des analyses en cycle de vie, qui « va de plus en plus inciter à retenir des solutions avec des matériaux désolidarisés, sous protection meuble, pour faciliter le réemploi ».
Concernant les toitures-jardins et végétalisées, Hervé PESQUET-FLORK souligne que « la maintenance de ces ouvrages est complexe, avec la gestion de l’arrosage à partir d’avril et la mise hors-gel en octobre, nécessitant 2 à 4 visites par an ». François GIANNINI fait part, quant à lui, de « recherches de fuites difficiles sur ce type de toiture, et aussi de la propension des plantes grasses à rapidement coloniser les bandes stériles dès lors que l’entretien n’est pas réalisé régulièrement ».
Denis LEHNEN vante les mérites des toitures-jardins, qui « protègent les membranes des UV et des chocs thermiques et augmentent donc leur durabilité », tout en étant conscient qu’elles peuvent représenter « des coûts importants, des contraintes structurelles fortes (épaisseur de terre végétale supérieure à 30 cm) ». Manuel DECOODT explique pour sa part que « des protections lourdes, types gravillons, permettent de protéger les membranes des chocs thermiques ». Deux autres types de détérioration de la membrane d’étanchéité par la chaleur sont à surveiller : « l’usage d’un barbecue sans protection vis-à-vis des cendres et graisses » et « les mégots de cigarettes(5)».
Au-delà de la simple étanchéité, c’est donc une étude de l’ensemble de la toiture qui doit s’opérer à l’occasion des travaux d’entretien et de changement de destination des toitures-terrasses. Abordés sous cet angle, la gestion et l’entretien des toitures-terrasses deviennent alors un véritable terrain de jeu à partir duquel de nombreuses thématiques peuvent être envisagées : équipements de chauffage et rafraîchissement, isolation, captation d’eau de pluie et d’énergie solaire dans le quartier, espaces de détente en cas de confinement… 📒