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Transition environnementale – Décarboner l’activité chantier

Revue Qualité Construction N°186 - Mai/Juin 2021
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Comment réduire l’impact environnemental des activités des chantiers ? Limiter les transports, diminuer le poids carbone des véhicules et des engins de chantiers, réduire les déchets et optimiser leur gestion, économiser chaleur et électricité, produire sur chantier de l’électricité renouvelable : pour tous ces objectifs, des solutions pétries d’intelligence existent et se développent.

La Réglementation environnementale RE2020 entrera en vigueur au 1er janvier 2022 pour les bâtiments neufs. Si le bilan carbone des matériaux est un levier prépondérant vers les constructions bas carbone, les émissions de gaz à effet de serre liées au chantier lui-même seront également prises en compte dans le calcul réglementaire de l’indicateur de carbone en cycle de vie, mesuré en kgCO2/m² de surface de logement. Objectif fixé par la ministre de la Transition écologique en 2021 : diminuer les émissions du secteur de la construction d’au moins 30 % en dix ans. Le rehaussement des exigences sera progressif, par palier, mais les acteurs de la construction n’ont pas intérêt à attendre le dernier moment pour se soucier d’y répondre : le bilan carbone d’une construction devient un élément de concurrence et un critère de choix des maîtres d’ouvrage.

Le BIM pour réduire l’impact carbone

Daniel RIGOUT, président du syndicat Entreprises générales de France-BTP (EGF-BTP), souligne l’importance du sujet. « La RE2020 va dans le sens de l’Histoire. Le BTP est un gros émetteur de gaz à effet de serre et doit innover pour un monde durable. Parce que leur expertise technique s’applique à tout, les entreprises générales ont ces capacités d’innovation. Pour réduire l’impact d’un chantier sur la ville et travailler zéro carbone, il faut penser global, vers un chantier 4.0 : zéro carbone, zéro déchet, zéro nuisance et zéro accident. » EGF-BTP travaille depuis plusieurs années sur la réduction des impacts environnementaux grâce au BIM. Comme l’analyse de cycle de vie dynamique(1) est un outil réglementaire central de la RE2020, et que la base de données attachée à la maquette numérique peut être enrichie pour chaque élément d’informations environnementales (émission et stockage carbone, déchets, eau, etc.), le BIM s’avère un outil efficace pour fournir les données d’entrée à un logiciel d’ACV.

La maquette numérique peut aussi être synchronisée avec un système d’information géographique (SIG), pour faciliter le réemploi et le recyclage des matériaux et déchets. Combinant les possibilités de réemploi de matériaux, les besoins d’exutoire des chantiers, les plannings, les distances, le trafic, les infrastructures de transport, le logiciel établit des faisabilités, organise l’accès à des matériaux, mutualise les transports en reliant les besoins de plusieurs chantiers sur un même trajet.

Daniel RIGOUT complète l’inventaire des possibilités du BIM. « Un chantier est une juxtaposition de milliers de tâches simples mais avec une complexité de l’ensemble pour optimiser la sécurité, les délais… Le BIM permet d’anticiper tous les sujets de logistique et de chantier. Une plateforme numérique de chantier gère en temps réel tous les intervenants, les livraisons, les contraintes humaines, les données à partager avec le coordinateur. Cet outil donne la capacité à l’entreprise qui doit livrer tel objet de savoir où en est le planning du chantier pour livrer au bon moment. La création de dépôts logistiques à l’extérieur des villes, avec une livraison optimisée en regroupant dans un packaging adapté les fournitures pour telle phase précise de chantier, génère moins de stockage sur chantier, moins de déchets, moins de nuisances et de risques d’accidents et économise les transports. Tout cela est rendu possible par un travail poussé de réflexion sur la logistique, à partir de la base de données BIM. Enfin, la maquette numérique aide à utiliser les matériaux au mieux par la construction hors-site. »

La voie du hors-site

La construction hors-site, grâce à la préfabrication en usine d’éléments 2D ou de modules 3D à la finition souvent très aboutie(2), avec une démarche Lean Manufacturing(3), permet de réduire le volume des déchets en optimisant dès la conception l’utilisation des matériaux, en réduisant les emballages et équipements de protection des matériaux livrés en usine, et en envoyant directement les déchets de fabrication dans les filières de recyclage. « C’est à mon avis surtout la construction hors-site 2D qui va se développer, estime Daniel RIGOUT qui a beaucoup pratiqué la construction hors-site 3D à l’international. Le BIM permet de fragmenter l’ouvrage en parties d’ouvrage 2D, avec une grande précision due au numérique, puis d’assembler facilement ces éléments sur site. Cela est d’autant plus vrai qu’avec la RE2020, il va falloir utiliser les matériaux (béton, bois, métal, composites…) pour ce qu’ils offrent de meilleur dans le cadre d’une optimisation bas carbone. En clair, nous allons vers des structures mixtes où ossatures et panneaux seront réalisés séparément et s’assembleront sur site dans le cadre d’une recherche optimale du bas carbone. »

Concernant la réduction des déchets par rapport à la filière conventionnelle, l’ouvrage Construction hors-site(4), publié en 2021, cite des taux de réduction de déchets de l’ordre de 75 % pour les déchets des coffrages en bois et de 50 % pour les travaux de béton. Les auteurs évoquent aussi la possibilité pour certains bâtiments modulaires d’être déconstruits, déplacés et reconstruits ailleurs, en adéquation avec le concept de l’économie circulaire.

Sur la question des émissions carbone, ils soulignent que la construction hors-site « permet aussi de relocaliser les activités, la supply chain et la main-d’oeuvre autour d’un point central de production qui ne bougera pas d’un chantier à l’autre. » Avec pour conséquence la création d’un bassin d’emplois et de fournisseurs beaucoup plus local, réduisant les flux de voitures et de camions (les transports de personnes domicile-usine étant notablement plus courts que ceux domicile-chantier).
Reste la question du poids carbone de transport des éléments préfabriqués, qui peuvent parcourir de très longs trajets, avec des modules importés de Chine, de Pologne, du Maroc ou de Malaisie, vers le Moyen-Orient, l’Europe, les États-Unis ou Singapour. Daniel RIGOUT pointe d’ailleurs « qu’en 3D, nous transportons de l’air ».

(2)Voir l’article « Construction modulaire 3D : une voie d’avenir » paru dans le n° 179 de Qualité Construction (mars-avril 2020).
(3)Le Lean Manufacturing repose sur l’élimination des gaspillages dans les processus de production.
(4)Construction hors-site, auteurs : Karim Beddiar, Aurélie Cléraux, Pascal Chazal (février 2021, aux éditions Dunod https://www.dunod.com).
(5)www.rqe-france.org

Le label « Chantier Zéro Carbone »

L’Association recherche qualité environnementale (ARQE) fédère 32 acteurs du bâtiment pour la recherche de solutions opérationnelles aux fins de réduire les émissions de GES des chantiers, et y éradiquer le plastique à usage unique. Fondée en 2007, elle regroupe tous les maillons de la chaîne de la construction : industriels, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, bureaux d’études, entreprises de production et de chantier. « Le label “Chantier Zéro Carbone”, créé par ARQE en 2015, pose cinq exigences pour les matériaux, les déchets et le carbone : éviter, réduire, réemployer, recycler et équilibrer les émissions », explique son président, Stéphane CARMINE(5).

Une belle illustration de cette démarche est donnée par le chantier de rénovation thermique de la résidence « les Chardonnerets » du bailleur social Polylogis Logirep, 121 logements situés à Rosny-sous-Bois (93). Alban THIÉBAUT, responsable Qualité-Sécurité-Environnement de l’entreprise générale attributaire du marché JCP Entreprise, détaille les solutions déployées. « JCP Entreprise a adhéré en 2017 à ARQE pour rencontrer d’autres acteurs du BTP engagés dans le développement durable, dont certains sont devenus des partenaires pour répondre aux exigences environnementales très strictes de l’appel d’offres de Polylogis, qui visait le label “Chantier Zéro Carbone” de ARQE. En amont, nous avons calculé le bilan carbone d’un chantier type de ravalement et pose d’ITE. Plus de 60 % des émissions de GES provenant des peintures, enduits et isolants, le choix des fournisseurs de ces intrants très impactants était crucial. Le fournisseur de peintures Jefco, adhérent de ARQE, a modifié totalement sa chaîne d’approvisionnement du chantier pour livrer ses produits directement de son usine de fabrication du sud de la France, en court-circuitant son entrepôt de Marignane (13) et son distributeur d’Ivry-sur-Seine (94). Soit 1 400 km d’économie de transport pour les trois approvisionnements du chantier. Le fret de tous nos prestataires fait partie du bilan carbone, il faut éliminer les déchargements/rechargements. Cela a fonctionné car le maître d’ouvrage avait libéré une zone de stockage importante pour limiter le fret. Ensuite, nous avons signé la charte de recyclage proposée par Knauf, le fabricant de panneaux isolants, qui propose de recycler les chutes de polystyrène en les récupérant pour les broyer et les réincorporer dans le process de fabrication du polystyrène expansé. Là aussi, il a fallu dédier une zone de stockage pour une trentaine de sacs plastiques de 2 m3 de chutes, collectés par Knauf tous les deux ou trois mois. 150 sacs de chutes de PSE ont ainsi été recyclés à 100 %. Mais il a fallu changer les habitudes du personnel de chantier. L’organisme de formation BR Consult, intervenant habituel pour nos équipes et nos sous-traitants sur la sécurité au chantier, a sensibilisé le personnel au comportement environnemental. Tous les trois mois, sur les 14 mois de travaux, les formateurs réunissaient 10 à 15 personnes pour expliquer, donner du sens, parler de ce qui allait ou n’allait pas. Il y a eu un net changement de mentalité du personnel entre le début et la fin du chantier, avec un passage d’une attitude de refus à la fierté du travail fait proprement. Il y a eu une vraie appropriation de la démarche. »

“Autre moyen de réduction drastique des déchets de ce chantier, les stations de nettoyage sans rejet liquide des pinceaux, spatules, taloches, seaux de peinture et machine à projeter”

Autre moyen de réduction drastique des déchets de ce chantier, les stations de nettoyage sans rejet liquide des pinceaux, spatules, taloches, seaux de peinture et machine à projeter. Fonctionnant en circuit fermé, ces stations développées par l’entreprise Enviroplus n’ont eu besoin chacune que de 15 litres d’eau pour 14 mois de chantier !
JCP Entreprise a également réduit des deux tiers la consommation d’énergie de la base vie en choisissant les cantonnements très économes de la société VAC, bien isolés, avec des équipements sobres alimentés par panneau photovoltaïque.

Livré en 2019, le projet de Polylogis Logirep est la première résidence sociale à obtenir le label « Chantier Zéro Carbone » de ARQE. Stéphane CARMINE explique la dernière mesure qui a permis l’obtention de ce label exigeant : l’équilibrage carbone. « Malgré tous les efforts déployés sur un chantier comme celui des immeubles Logirep, il reste un impact carbone des chantiers. ARQE le calcule grâce à un outil d’évaluation créé avec CARBONE 4 et demande aux maîtres d’ouvrage le financement d’une plantation de pieds d’eucalyptus et d’acacias à Madagascar pour équilibrer en dix ans l’émission carbone de son chantier. La croissance de ces arbres capture le CO2 et évite l’érosion. Le projet est intégré à un programme d’ONG sur place. Depuis 2015, ARQE a financé la plantation de 190 000 pieds à Madagascar. Le coût pour l’opération Logirep est de l’ordre de 10 000 euros (représentant moins de 1 % du coût total du chantier). »

(5)www.rqe-france.org

Des terres et des maths

Valoriser 70 % des terres et déblais pris en charge par le réemploi, et réduire de 70 % l’impact carbone des transports de déblais et déchets de chantier, c’est le résultat obtenu par l’entreprise Hesus… sans posséder un seul camion. Fondée en 2009 en Île-de-France, Hesus couvre désormais dix grandes agglomérations en France, et s’étend au Royaume-Uni, en Pologne, en Suisse et en Suède, avec un chiffre d’affaires de 25 M€. La société propose à ses clients du BTP l’optimisation de la gestion des évacuations et des apports sur leurs chantiers : terres inertes ou polluées, matériaux, déchets. Son P.-D.G. Emmanuel CAZENEUVE détaille son modèle. « Les solutions circulaires, bénéfiques à l’environnement, sont moins chères que les solutions linéaires. Mais la difficulté est d’être au bon moment au bon endroit. D’où le moyen d’une plateforme digitale qui réponde à la question “Qui a besoin de quoi, où et quand ?”. Pour être compétitifs, il faut optimiser la logistique, aller moins loin. Cela demande d’embarquer une vraie intelligence mathématique décisionnelle dans la logistique BTP. Hesus fait cette optimisation sans actifs industriels. Le client amont se connecte sur notre plateforme numérique Hesus store et crée son besoin d’évacuation de terres. L’algorithme récupère en temps réel les données de chacun et propose une solution chiffrée de réemploi, de valorisation, de dépollution ou d’élimination. Au final, il propose un devis et la commande. Le panier moyen est de l’ordre de 50 000 euros. Le transport est mis en place avec nos transporteurs sous contrat, pour lesquels nous optimisons des déplacements triangulaires, un cabotage des camions. Par exemple, des terres excavées d’un chantier de Créteil sont acheminées vers une carrière de l’Yonne, où le camion chargera des matériaux pour un autre chantier sur son trajet de retour à Créteil.
Le défi est d’organiser le plus de flux possibles qui, pris bout à bout seraient uniques, mais qu’on arrive à faire interagir, entre un flux de carrière régulier et un flux exceptionnel et temporaire de chantier.
Le vrai sujet est la prise de conscience des terres excavées par les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre, car elles peuvent être écocides lorsqu’elles sont mal gérées. En moyenne, la gestion des terres ne représente aujourd’hui que 2 % du coût d’un projet d’infrastructure à l’échelle nationale. Pour autant, quand ce ratio monte à 15 % comme pour le chantier du Grand Paris Express, la prise de conscience est de plus en plus importante. La terre est un atout pour l’économie circulaire dans le BTP(6). »

“En moyenne, la gestion des terres ne représente aujourd’hui que 2 % du coût d’un projet d’infrastructure à l’échelle nationale. Pour autant, quand ce ratio monte à 15 % comme pour le chantier du Grand Paris Express, la prise de conscience est de plus en plus importante. La terre est un atout pour l’économie circulaire dans le BTP”

(6)Voir l’article « Biosourcés et géosourcés : vers une utilisation plus soutenue en immeubles » paru dans le n° 181 de Qualité Construction (juillet-août 2020).

Le click and collect des déchets

Pour une petite entreprise du bâtiment, l’élimination des déchets de chantier est compliquée, particulièrement si le volume ne justifie pas la mise en place de bennes de tri. Se pose alors le souci du transport, de la collecte et du tri de ces volumes modestes. Avec en corollaire le risque de décharge sauvage – ou de réseau illégal – faute de solution pratique.

C’est pour ce marché précis que Marie COMBARIEU a créé en 2016 Ecodrop. « Nous apportons des solutions aux petits acteurs diffus du bâtiment, en nous positionnant en tant qu’intermédiaire entre le chantier et la déchèterie, comme une brique servicielle et logistique. En Île-de-France, nous avons noué des partenariats avec 40 déchèteries, garantissant des prix négociés et une traçabilité. En deux heures, nous envoyons une camionnette de 12 ou 20 m3 enlever les déchets, conditionnés ou non en sacs à gravats. Ou, sous 24 heures, une collecte de big-bags, ou un camion-benne pour les déchets DIB, inertes, ou triés, y compris classés dangereux. Ecodrop est spécialiste de la logistique fine, avec aide au tri sur chantier. Nous jouons le rôle de massificateur pour les filières de recyclage, en apportant une solution respectueuse de l’environnement et qui évite l’absence de tri. » La jeune entreprise a développé cinq moyens adaptés aux artisans. « Premier moyen digital, une application smartphone. Le client y décrit les déchets à enlever, renseigne les horaires et l’adresse du chantier. L’algorithme lui propose, par exemple, un camion de 12 m3 plus 1 heure de manutention pour 3 m3, 1 tonne déposée en déchèterie pour 269 € TTC. Il valide la commande et règle en ligne. Le transporteur enlève les déchets et la déchèterie valide un bon de dépôt qui est envoyé au donneur d’ordre. Deuxième moyen : le client remplit sur notre site Internet un formulaire pour être rappelé par un chargé de clientèle, qui va organiser tout type de collecte adaptée à son chantier, à la quantité et la qualité de déchets. Le troisième moyen est simplement un appel au service client, avec paiement en ligne. Enfin, nous proposons une solution click and collect suite à une convention signée avec le négociant Point P : le client commande sa solution collect et paye avec son compte Point P. Pour les plus gros chantiers, sur commande de la maîtrise d’œuvre, et sur la base de son diagnostic déchets, nous envisageons les valorisations possibles et nous organisons la massification, les contenants, la cadence, bref, une organisation dans l’objectif zéro déchets ultimes. »

La jeune pousse compte en 2021 une vingtaine de personnes et travaille surtout en Île-de-France. Elle vient de lever 5 M€ pour un développement national de ses outils techniques. Un bon signal pour diminuer les émissions liées à la collecte des déchets et organiser l’économie circulaire. Marie COMBARIEU est consciente du chemin qui reste à parcourir : « Ecodrop a collecté 90 000 tonnes en 2020. C’est important et bien faible à la fois, vu les 40 millions de tonnes annuels de déchets du bâtiment. »

L’hydrogène au chantier

L’hydrogène pourrait décarboner l’activité des chantiers pour deux usages : l’électrification des véhicules et engins lourds, et la production d’électricité. Tout cela grâce à des piles à combustible embarquées dans les engins ou dans des groupes électrogènes : en combinant les ions H+ à l’oxygène de l’air, la pile à combustible produit électricité et chaleur en n’émettant que de l’eau. Finies les émissions de gaz d’échappement, de CO2, oxydes d’azote et autres particules fines ! Avec, avantage important associé à la motorisation électrique ou à la disparition du moteur diesel dans un groupe électrogène, une réduction drastique du bruit et des vibrations.

Mais l’hydrogène n’est pas une source d’énergie (il n’y a pas de gisement d’hydrogène), c’est un vecteur énergétique qu’il faut produire. Et aujourd’hui encore, 95 % de l’hydrogène produit l’est à partir de sources fossiles (charbon, pétrole et gaz), utilisées cette fois non pas comme sources d’énergie par combustion, mais comme source d’atomes d’hydrogène, malheureusement déjà combinés à des atomes de carbone. D’où un impact climatique catastrophique : la production de 1 kg d’H2 « gris » génère jusqu’à 10 kg de CO2 ! La voie de l’hydrogène « vert » passe par l’électrolyse de l’eau, qui décompose, grâce à l’électricité, la molécule d’eau en hydrogène et en oxygène. Le bilan environnemental de l’hydrogène obtenu par électrolyse dépendra donc de l’origine de l’électricité ainsi consommée : renouvelable, nucléaire ou fossile.

“L’hydrogène ne va pas résoudre tous les maux de la Terre. Le problème fondamental, c’est l’hyperconsommation d’énergie”

L’entreprise nantaise Lhyfe développe depuis 2017 un modèle cohérent et ambitieux de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, exclusivement à partir d’électricité renouvelable. Lhyfe a commencé en 2021 la construction du seul site industriel en France de production directement connecté à une source d’électricité renouvelable, le parc éolien de Bouin en Vendée. « Alimenté par le parc éolien de Bouin, en bord de mer, notre site produira rapidement 1 000 kg d’hydrogène par jour par électrolyse de l’eau de mer, se réjouit Matthieu GUESNÉ, fondateur de Lhyfe. Ce sera également une plateforme de R&D pour optimiser les systèmes de production et tester les applications de production, avec de l’éolien offshore. Les éoliennes de Bouin ont déjà 15 ans, elles ont largement annulé leur dette carbone. Pour livrer notre production, nous recyclons un tracteur de poids lourd 44 tonnes, au moteur Diesel cassé, en tracteur à hydrogène. Il y a déjà des entreprises capables de cette conversion de motorisation. L’objectif est de transporter l’hydrogène par des poids lourds recyclés et par des stations mobiles de distribution pour se rapprocher des chantiers. Dans un premier temps, il est aussi prévu d’installer en Vendée cinq stations-service. La baisse de coût se fera avec le passage du stade prototype à la série, comme pour l’industrie du photovoltaïque ou des batteries : - 20 % chaque fois que la production est multipliée par 10. L’empreinte carbone d’un chantier est directement liée au matériel roulant pour 16 % en moyenne. Le stockage d’énergie par réservoir d’hydrogène est capable de décarboner les engins et véhicules lourds, les camions, les bus, les grosses voitures. Le constructeur anglais JCB teste par exemple une pelle de 20 tonnes à l’hydrogène. Le sto­ckage d’électricité en batteries, adaptée pour la mobilité des vélos jusqu’aux petites voitures, ne l’est pas du tout pour ce segment de marché : un camion ne ferait que tracter ses batteries et mettrait bien trop de temps à se recharger. L’hydrogène offre une plus grande autonomie aux véhicules lourds qui peuvent loger plus facilement un réservoir volumineux, et supporte également mieux une utilisation intensive comme celle d’un chariot élévateur. »

Produire de l’électricité décarbonée sur chantier grâce au vecteur hydrogène alimentant une pile à combustible n’est pas une utopie, c’est déjà une réalité. Parmi ses nombreuses solutions d’alimentation électrique autonomes pour sites isolés, l’entreprise Powidian propose ses groupes électrogènes combinant batteries alimentées par photovoltaïque et pile à combustible alimentée par des bouteilles d’hydrogène. « Les groupes Diesel déclenchent des plaintes des riverains qui se plaignent du bruit et de la pollution, analyse Jean-Marie BOURGEAIS, cofondateur en 2014 de Powidian. Leur durée de vie est de l’ordre de 15 000 à 18 000 heures, avec une vidange toutes les 500 heures. Sans compter le risque du vol de gazole sur chantier. Un groupe à hydrogène produit électricité et chaleur pour chauffer les bases vie, sans bruit, ce qui permet de travailler en 3 x 8. Une pile à combustible durera 30 000 à 50 000 heures, avec juste un filtre à air à remplacer de temps en temps, pour un prix de location raisonnable. Nous visons le segment des groupes de 30 à 100 kW. Les grands groupes du bâtiment comme les loueurs de matériels et d’engins de chantier étudient et veulent tester les solutions hydrogène. Nous voulons investir maintenant pour mettre le matériel au prix du gazole. Bouygues est d’ailleurs entré au capital de Powidian. »
Jean-Marie BOURGEAIS relativise néanmoins : « L’hydrogène ne va pas résoudre tous les maux de la Terre. Le problème fondamental, c’est l’hyperconsommation d’énergie. » 📒

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« Urbanisme - Les nouveaux visages de la ville agricole » - Revue Qualité Construction Mai-Juin 2021 de l'AQC