Revue Qualité Construction N°193 - Juillet/Août 2022
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L’organisation collective locale de producteurs d’énergie et de consommateurs situés dans un même périmètre n’est pas nouvelle pour la chaleur, mais commence seulement son déploiement pour l’électricité. Dans un contexte d’urgence climatique et de hausse des prix, stabiliser les factures énergétiques en créant des boucles locales d’énergies renouvelables est de plus en plus avantageux. Les pionniers de l’autoconsommation collective ont même réussi à faire évoluer la réglementation. Explications et illustration à travers quelques opérations pionnières d’autoconsommation collective.
Le terme d’autoconsommation évoque la consommation d’électricité renouvelable soit par le producteur lui-même, c’est l’autoconsommation individuelle, soit par le producteur associé à d’autres consommateurs locaux, c’est l’autoconsommation collective.
Si c’est bien l’autoconsommation collective d’électricité photovoltaïque qui fait l’actualité et le principal sujet de cet article, parce que c’est la plus rapide à mettre en place et la plus développée à ce jour, la démarche de partage local d’électricité renouvelable peut tout à fait inclure la petite hydraulique ou la méthanisation.
Jusqu’en 2010, hormis les cas marginaux des sites isolés et de choix d’autonomie, l’autoconsommation n’avait aucune raison de se mettre en place en photovoltaïque (PV) tant était important l’écart entre le tarif d’achat par EDF OA (Obligation d’achat) de l’électricité PV et le tarif de vente des fournisseurs de l’électricité du réseau. Tous les producteurs avaient intérêt à vendre la totalité de leur coûteuse électricité photovoltaïque au prix fort. Mais depuis 2010, année de la chute brutale des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque, avec l’alignement des tarifs d’achat sur la baisse des prix des panneaux et des coûts de production des installations, consommer sur place tout ou partie de sa production peut devenir économiquement rentable.
Consommer sur place, dans le bâtiment qui supporte les panneaux photovoltaïques, est simple techniquement et juridiquement si le consommateur est le producteur. L’électricité produite répond en priorité aux besoins du bâtiment, seul l’excédent est injecté sur le réseau, soit gratuitement, soit racheté par un énergéticien. Mais en France, le réseau de distribution d’électricité est public, propriété des collectivités. Le Gestionnaire de réseau de distribution (GRD) détient le monopole de la distribution d’électricité sur ce réseau public. Selon les territoires, il s’agit d’une entreprise locale de distribution ou, en grande majorité, d’Enedis. Hormis quelques exceptions sur sites industriels, il ne peut y avoir de réseau de distribution privé, d’où l’obligation, pour organiser un groupement local d’autoconsommation collective, de signer une convention avec le GRD pour utiliser le réseau public. Confrontés depuis une décennie aux réticences de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui limitait drastiquement l’accès au réseau de ces nouvelles pratiques collectives, les pionniers de l’autoconsommation collective ont progressivement convaincu la puissance publique d’ouvrir le réseau et de faire évoluer la réglementation.
Encadrement juridique et organisation
Le législateur et l’exécutif ont encadré de près l’autoconsommation collective d’électricité renouvelable. Les textes les plus récents (l’ordonnance 2021-236 du 3 mars 2021 et la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) modifient et complètent le Code de l’énergie(1). L’opération d’autoconsommation est dite collective quand la fourniture d’électricité est faite entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs liés entre eux au sein d’une Personne morale organisatrice (PMO), et quand les points d’injection et de soutirage sont situés dans le même bâtiment, y compris les immeubles résidentiels. Pour l’électricité renouvelable, une opération d’autoconsommation collective est dite étendue quand les points d’injection et de soutirage sont situés sur le réseau public de distribution d’électricité. À ce jour, la distance maximale entre deux participants (autoconsommateur ou producteur) d’une opération d’autoconsommation collective étendue ne doit pas dépasser 2 km en zone urbaine ou, sur dérogation accordée par le ministère de la Transition écologique, 20 km en milieu rural peu dense. La réglementation 2021 limite à 3 MW la puissance cumulée des producteurs d’une même opération. La PMO est la seule interlocutrice du gestionnaire du réseau public, à qui elle va indiquer la clé de répartition de la production autoconsommée entre les consommateurs concernés. Par le biais d’un compteur communicant (Linky ou autre), le GRD comptabilise pour chaque producteur local l’énergie fournie aux consommateurs locaux, et pour chaque consommateur, l’électricité solaire autoconsommée et celle fournie en complément par un autre fournisseur. Avec ces données fournies par le gestionnaire de réseau, le fournisseur d’électricité du consommateur lui établit sa facture d’électricité, hors autoconsommation. Le producteur (qui peut être la PMO) établit de son côté la facture de la part autoconsommée.
Qui peut être « Personne morale organisatrice » ? La loi impose la présence d’une Personne morale organisatrice de l’autoconsommation collective et précise sa mission auprès du GRD, mais n’indique pas quelle forme sociale doit adopter cette entité juridique regroupant le ou les producteurs et consommateurs locaux. Néanmoins, l’article L.315-2-1 du Code de l’énergie précise qu’un organisme d’habitations à loyer modéré peut être la PMO d’une opération d’autoconsommation collective, ouverte à ses locataires volontaires ou à des personnes physiques ou morales tierces. L’ordonnance 2021-236 du 3 mars 2021 anticipe même la création à venir des « Communautés d’énergies renouvelables » et des « Communautés énergétiques citoyennes » en leur conférant la qualité de PMO.
Ainsi, une collectivité, une association, une SAS (Société par actions simplifiée) ou une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) peuvent être PMO d’une opération d’autoconsommation collective.
L’envolée actuelle du coût de l’énergie, notamment sur les marchés de gros de l’électricité pour des livraisons en 2022 et 2023, ainsi que l’indisponibilité durable d’une part importante du parc nucléaire français, mettent le projecteur sur l’insécurité économique générée par un marché mondialisé couplé à un système électrique très centralisé. En permettant aux consommateurs de toute taille de bénéficier d’une production locale aux coûts maîtrisés et prévisibles, l’autoconsommation collective est une réponse rassurante et efficace pour stabiliser une partie de la facture énergétique. C’est particulièrement le cas pour l’électricité photovoltaïque, éolienne, hydraulique ou la chaleur solaire, dont les coûts d’achat de source d’énergie sont nuls. Le modèle économique, basé uniquement sur des investissements et des coûts d’exploitation et de maintenance, est bien plus stable dans le temps que ceux dépendants en permanence d’achat de combustibles (fossiles, fissiles ou biomasse). Pour les consommateurs, il devient incontournable d’étudier l’autoconsommation d’énergie renouvelable.
Individuelle ou collective ? Pour une centrale photovoltaïque par exemple, l’autoconsommation sera d’autant plus rentable que la part d’électricité PV autoconsommée par rapport à la consommation électrique totale (le taux d’autoproduction) est élevée. La raison est tarifaire : quand l’électricité achetée au réseau vaut 16 centimes d’euros le kWh et que le surplus est revendu 6 centimes d’euros le kWh en contrat d’autoconsommation, mieux vaut autoconsommer un maximum que surproduire.
Pour un entrepôt frigorifique, la production PV sera en phase avec la consommation, les deux étant les plus élevées aux heures chaudes. L’autoconsommation individuelle est alors bien adaptée. En revanche, un établissement scolaire consommera très peu deux jours par semaine et pendant les vacances, notamment en été. L’autoconsommation collective étendue devient alors très pertinente, pour faire profiter de la production PV de son toit et de ses ombrières, des logements, la collectivité, des entreprises, des commerces, des bornes de recharge de véhicules… Plus la boucle énergétique locale va compter de consommateurs aux profils de consommation complémentaires, plus ce foisonnement va permettre de consommer localement l’électricité produite par les différentes centrales du groupement producteurs-consommateurs.
Pour Sébastien DECOTTEGNIE, du bureau d’études Tecsol, l’intérêt économique n’est plus à démontrer et les avantages profitent à tous les acteurs : « Réduction des coûts par partage des investissements et économies d’échelle ; foisonnement réduisant les puissances PV individuelles nécessaires ; mutualisation, échanges et partage d’une source d’énergie entre producteurs et consommateurs ; fourniture d’électricité solaire à des bâtiments inadaptés à recevoir des capteurs pour de l’autoconsommation individuelle. »
Des bailleurs sociaux en pointe
La fourniture d’énergie à prix stable (hors taxes) a évidemment un impact social. C’est pourquoi des bailleurs sociaux ont décidé de faire profiter leurs locataires, via une autoconsommation collective, de l’électricité produite par la centrale PV ou la toiture solaire thermique de leur immeuble (voir l’exemple de l’opérateur public de l’habitat de Gironde, Gironde Habitat présenté en page 75 de l’article complet).
Directrice du développement de la jeune pousse SerenySun, porteuse du plus grand projet d’autoconsommation collective de France sur les villages de Cabriès et Calas dans les Bouches-du-Rhône, Alice GAUBERT souligne le levier égalisateur de l’autoconsommation collective : « Donner accès à tous à une énergie verte. Jusqu’à présent, le constat est clair : le solaire n’est accessible qu’aux seuls propriétaires fonciers avec disponibilités financières. Le développement de communautés en autoconsommation collective fait profiter de ses retombées économiques tous les participants, même sans qu’ils aient investi. C’est aussi une réponse au problème d’exclusion exprimé par de récents mouvements sociaux, comme les gilets jaunes. » Donald FRANÇOIS, fondateur de SerenySun, note pour sa part que certains consommateurs rejoignent la communauté parce que le projet est local, « pour agir ensemble avec ses voisins. Je crois profondément au bien-fondé des circuits courts pour le bien commun. La réelle valeur économique créée est répartie autrement que dans le big business. Et si les acteurs publics sont dans la communauté, c’est rassurant pour les riverains ».
Convaincus de l’impact social potentiel de l’autoconsommation collective, des acteurs publics de poids comme l’Ademe et l’Union sociale pour l’habitat (USH) et des entreprises, professionnels du solaire (Tecsol), de la banque (groupe Banques Populaires et Caisses d’Épargne) et du droit (De Gaulle Fleurance et Associés) ont fondé en 2020 l’association Sol Solidaire, pour lutter contre la précarité énergétique par l’autoconsommation collective d’électricité solaire(2). Le Syndicat des professionnels de l’énergie solaire, Enerplan, complète le collège des fondateurs. L’objectif de Sol Solidaire est d’aider les bailleurs sociaux à équiper leurs logements en photovoltaïque à condition qu’ils fournissent gratuitement l’électricité solaire à leurs locataires. À une époque de consumérisme individualiste et de précarité énergétique, cette association (éligible au régime du mécénat) fait sens.
Entreprise solidaire d’utilité sociale, le fonds Énergie Partagée Investissement(3) collecte de l’épargne citoyenne pour l’investir dans la production d’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Vincent BAGGIONI, son coordinateur pour la région Paca, accompagne le collège des citoyens de la Sas SerenyCalas, PMO du projet d’autoconsommation collective étendue sur les villages de Cabriès et Calas. Il témoigne de l’appropriation de la transition énergétique par les participants : « SerenyCalas fait parler publiquement de l’autoconsommation dans un contexte commercial très agressif qui pousse à l’autoconsommation individuelle, à l’installation de surcapacités qui finalement aboutissent à augmenter sa consommation énergétique ! Alors que l’autoconsommation collective fait prendre conscience du caractère limité des énergies renouvelables, incite à la réflexion sur les économies d’énergie et à adapter sa consommation à la production possible sur un territoire. Voir sa part d’autoconsommation sur sa facture a une vertu sensibilisatrice. »
Le desserrement récent des freins réglementaires n’a pas encore produit tous ses effets. Moins d’une centaine d’opérations a vu le jour, très majoritairement de petite taille et en photovoltaïque. Mais la logique économique conduira les projets d’autoconsommation collective à se multiplier et à augmenter leur taille pour réaliser des économies d’échelle. Encourageant de fait le développement local d’énergies renouvelables électriques en solaire, petite hydraulique et méthanisation. Et l’éolien ? Du fait de la limitation réglementaire à 3 MW de la puissance d’un projet d’autoconsommation collective, ce qui représente la puissance d’une seule éolienne, l’éolien, même partagé avec gouvernance locale, est raccordé physiquement à un poste source haute tension, avec un contrat de vente totale à un fournisseur d’énergie. Autre échelle, autre modèle…
Par rapport à l’autoconsommation individuelle, l’autoconsommation collective optimise les installations de production par une distribution de l’énergie ciblée sur un groupe local de consommateurs aux besoins décalés dans le temps : par exemple, des logements, une école, une mairie, des commerces, des entreprises… L’étude de dimensionnement d’un projet sera d’ailleurs fondée sur les profils de consommation des uns et des autres sur une année complète. Comme le surplus d’électricité PV est peu valorisé (rappel : environ 6 centimes d’euros le kWh), malgré une obligation d’achat instituée par un décret du 6 octobre 2021, l’objectif est de dimensionner les équipements sur le talon de consommation du groupement de consommateurs.
Par l’organisation collective des consommateurs, l’autoconsommation collective pourrait devenir un facteur d’équilibrage local du réseau. C’est une piste de recherche sur laquelle travaille la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dans le cadre du projet de recherche européen Alpgrids(4) sur les boucles locales énergétiques de l’arc alpin. Responsable de projet à la direction de la transition énergétique et de l’innovation chez CNR, Guillaume BONTRON détaille la démarche : « En s’appuyant sur le retour d’expérience et les données d’Acoprev(5) Centrales villageoises du Val de Quint dans le Vercors drômois, la CNR crée le modèle numérique de cette boucle locale prévue pour étendre l’autoconsommation collective sur 20 km, 6 communes rurales et 500 consommateurs. L’intérêt pour les producteurs globaux d’énergie comme la CNR, tenus de participer à l’équilibre du réseau électrique, est de trouver comment l’autoconsommation collective peut rendre service en créant des flexibilités limitant notamment les pics de production solaire qui font monter la tension électrique en milieu de journée lors des journées très ensoleillées. Par exemple, comparé au recours à du stockage en batteries, la commande automatique de la production d’eau chaude des chauffe-eau des consomm’acteurs d’Acoprev est-elle un potentiel de flexibilité activable ? C’est la même logique que l’incitation tarifaire jour/nuit, mais avec une dynamique temporelle plus forte. »
(4)Alpgrids est un projet financé par le programme européen Interreg Espace Alpin : www.alpine-space.org. (5)Association communale de production d’énergies vertes : https://acoprev.fr.
Des freins techniques subsistent…
Techniquement, une boucle d’autoconsommation collective doit organiser des échanges réels d’électricité entre des producteurs et des consommateurs, ainsi que des échanges immatériels de données. On comprend que la toute première opération ait pu être celle d’un bailleur social installant une centrale PV pour couvrir les besoins des parties communes d’un seul immeuble, réduisant d’autant les charges locatives, sans distribution d’électricité solaire aux locataires. Cette simplicité a été imposée par la nécessité de mettre au point les outils juridiques et techniques de gestion de l’opération.
On comprend également qu’une opération d’autoconsommation collective étendue nécessite une bonne ingénierie pour les études de dimensionnement, la création de moyens de production et d’exploitation, la gestion des flux de données et la facturation. Créer une PMO demande également un véritable investissement en conseil juridique et en animation locale pour réunir les sociétaires.
Utilisant le réseau public de distribution, les producteurs n’ont pas a priori à investir dans le réseau, les coûts d’utilisation étant facturés par le gestionnaire de réseau via le Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (Turpe). Mais il n’est physiquement pas possible de faire transiter la grosse puissance d’une centrale couvrant une grande toiture agricole par un petit câble installé à l’origine pour l’alimentation de la ferme. Le coût du renforcement de la ligne, alors à la charge du producteur, pourra ainsi devenir rédhibitoire si le linéaire est important.
La réglementation laisse à la PMO le libre choix de la répartition entre consommateurs de l’électricité produite. Celle-ci peut être très simple : tel bailleur social décide de répartir équitablement et gratuitement l’électricité solaire entre ses locataires, augmentant ainsi leur reste à vivre. Simple également le système de clé de répartition dit « statique » où le coefficient de répartition, défini à l’avance, est constant sur chaque pas de temps de 30 minutes. Par exemple, dans le cas d’une attribution proportionnelle de la participation au financement de l’opération. La clé de répartition « dynamique » est appliquée par défaut par Enedis avec une répartition proportionnelle de la consommation mesurée pour chaque consommateur sur chaque pas de temps de 30 minutes du mois précédent : telle entreprise ayant consommé 30 % de la consommation globale du groupe se verra attribuer 30 % de la production PV. Le calcul automatique par Enedis n’est pas personnalisable et désavantage les petits consommateurs. La clé de répartition « dynamique personnalisée » sur mesure reflète les choix de priorisation et d’optimisation de la PMO.
Les fournisseurs de solutions d’accompagnement des PMO, comme en propose le bureau d’études Tecsol, travaillent sur le développement de clé de répartition « dégroupée, full dynamique personnalisée », permettant l’affectation sur mesure de la production de chaque producteur à chaque consommateur. Alexandra BATLLE, secrétaire générale de Tecsol, explique le concept : « La possibilité de dégroupage est à l’étude dans le cadre du projet d’innovation Mobelsol mené avec Enedis, pour donner le choix du producteur et du consommateur. Ainsi, un bailleur social pourra attribuer gratuitement la production de ses centrales à ses locataires alors qu’une entreprise voudra vendre sa production au plus grand nombre. Il y a une évolution vers la complexification. Tecsol travaille sur des projections d’opérations avec plusieurs centaines de participants. La question de la sécurité et de la certification des données d’échanges devient primordiale. C’est pourquoi la start-up Sunchain, filiale de Tecsol, a mis au point une solution d’exploitation des opérations d’autoconsommation collective sécurisée par une blockchain. Les informations générées par les compteurs électriques sont chiffrées, sécurisées et certifiées. La répartition de la production réalisée au sein de la blockchain est ainsi garantie(6). »
Une autre difficulté freine le développement de l’autoconsommation collective : les taxes et redevances qui pèsent sur l’électricité limitent l’économie liée à ce mode de production, car l’électricité elle-même ne représente qu’un tiers environ du montant des factures. Noémie POIZE, responsable du pôle Énergies renouvelables de l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes énergie environnement(7), analyse que « le Turpe autoconsommation collective, nouvellement créé, censé reconnaître que l’autoconsommation collective utilise peu le réseau de distribution, est peu utilisé car complexe, et il n’est favorable qu’en cas de taux d’autoconsommation très important ».
(6)Une blockchain constitue une base de données informatique qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre les usagers. Cette base de données est partagée sur plusieurs serveurs au travers d’un réseau pair à pair, sans intermédiaire ni autorité centrale, ce qui permet à chacun de vérifier la validité des échanges. (7)https://www.auvergnerhonealpes-ee.fr/
Un développement en bonne voie
L’expérience acquise par les pionniers de l’autoconsommation collective les conforte tous dans leur démarche de production locale d’énergie renouvelable et de sobriété énergétique : Gironde Habitat, la commune de Malaunay, la Centrale villageoise du Val-de-Quint, SerenySun… Par exemple, Malaunay ambitionne maintenant de décupler la puissance photovoltaïque installée sur le territoire. « Pour passer de 300 kWc installés sur le patrimoine communal à 2 voire 3 MWc, explique Laurent FUSSIEN, directeur général des services de la mairie, nous discutons avec des industriels pour compléter ce qui pourrait se poser sur le résidentiel. Par exemple, avec Legrand, ou encore Nutriset, entreprise à mission qui cherche également à décarboner son activité, avec le bailleur social Logeal Immobilière, deux propriétaires de locaux commerciaux et industriels, un agriculteur, des habitants, avec le soutien de l’association Cinergies et d’Enercoop Normandie, de la Métropole Rouen Normandie et bien entendu d’Enedis. Le projet est de créer une Communauté énergétique citoyenne, une CEC prévue par l’ordonnance du 3 mars 2021, cadre juridique idéal pour changer d’échelle et faire émerger un modèle technique et économique viable et fiable de production et de consommation locale d’énergie. »
« En attendant la parution d’un décret qui viendra préciser la réglementation, complète Guillaume COUTEY, maire de Malaunay, nous travaillons à la création de l’association de préfiguration de la CEC de Malaunay. Le contexte géopolitique et son impact sur les marchés de l’énergie viennent confirmer la nécessité pour les acteurs publics, économiques et citoyens des territoires de développer leur résilience en renforçant l’autonomie de leur approvisionnement en électricité et une visibilité des coûts sur le long terme. Une telle opération groupée présente un effet levier incontestable par le volume pour assurer un retour sur investissement supérieur aux autres approches, notamment en évitant l’écueil d’un sous-dimensionnement des installations pour ne couvrir que le talon de consommation. »
L’autoconsommation collective d’électricité renouvelable sort donc d’une période de tâtonnements et de corsetage réglementaire, qui a demandé beaucoup d’énergie et de temps aux éclaireurs. L’épanouissement des projets et leur massification dépendront de la poursuite du soutien des pouvoirs publics sur la recherche, la réglementation, la fiscalité, ainsi que de la R&D sur le stockage, les micro-réseaux, et sur les investissements des acteurs de terrain comme des gestionnaires de réseaux.
Comme souvent en France, l’attention se focalise sur l’électricité. Or la chaleur représente la moitié des dépenses énergétiques des bâtiments. La produire à partir de sources renouvelables locales en autoconsommation individuelle ou collective devrait être une priorité. Les réseaux de chaleur existent depuis l’Antiquité, mais distribuent aujourd’hui majoritairement de la chaleur d’origine fossile. Le défi de l’autoconsommation collective de chaleur est d’abord celui de la transition vers la chaleur renouvelable et de récupération. Les modèles d’organisation collective qui naissent pour l’autoconsommation collective d’électricité renouvelable pourraient être une source d’inspiration pour la transition vers des réseaux de chaleur vertueux. Les performances de la résidence sociale Bepos (bâtiment à énergie positive) « La presqu’île » de Logeal Immobilière à Malaunay(8), avec son enveloppe très bien isolée et ses 300 m2 de panneaux solaires thermiques en toiture, sont éclairantes : 74 € par an par logement de 95 m2 (avec un tarif du gaz à 35 €/MWh) pour la facture de chaleur, chauffage et eau chaude, grâce à une mutualisation de la production de chaleur solaire(9). Même si le terme « d’autoconsommation collective » ne concerne réglementairement que l’électricité, le principe est identique.
L’autoconsommation collective de chaleur ou d’électricité renouvelable est donc bien une partie de la réponse aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de notre époque. Les acteurs des énergies renouvelables et du logement s’activent pour lever les blocages et les freins à la massification de l’autoconsommation collective : Syndicat des énergies renouvelables (Ser), syndicat des professionnels du solaire Enerplan et Plateforme Verte, association réunissant professionnels des ENR et du secteur bancaire. Un futur se dessine… 📒