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Grandes toitures et parkings – Vers plus de solarisation et de végétalisation

Revue Qualité Construction N°204 - Mai/Juin 2024
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L’obligation de solariser ou de végétaliser certains grands bâtiments et parcs de stationnement s’applique depuis le 1er janvier dernier, et s’étendra au fil des années. Comment les maîtres d’ouvrage et les professionnels envisagent-ils cette massification programmée des installations solaires photovoltaïques et thermiques, et des systèmes de végétalisation ? Quelles sont les problématiques rencontrées ? Panorama des solutions et des points de vigilance.

Face au réchauffement climatique, l’exécutif et le législateur relèvent progressivement les objectifs de production d’énergies renouvelables et de végétalisation des toitures et des parkings, tout en encourageant dans le même temps la perméabilisation des sols des surfaces associées aux bâtiments. La loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a introduit dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH) (article L.171-4) une obligation, pour certains maîtres d’ouvrage, d’installer en toiture soit un procédé de production d’énergies renouvelables, soit un système de végétalisation.

Le 18 décembre 2023, le décret d’application a précisé le type de bâtiments concernés par l’obligation de solarisation ou de végétalisation des toitures, défini la notion de « rénovation lourde », et détaillé les possibilités d’exemption pour les maîtres d’ouvrage. Le 19 décembre 2023, deux arrêtés ont (pour le premier) détaillé les caractéristiques minimales des systèmes de végétalisation de toitures, et (pour le second) fixé la proportion de toiture végétalisée ou solarisée, précisant les conditions économiquement acceptables d’installation de ces systèmes.

De plus, la loi du 10 mars 2023 d’Accélération de la production des énergies renouvelables, dite « loi Aper », étend le champ d’application de l’obligation de solarisation ou de végétalisation des toitures à de nouvelles catégories de bâtiments ou d’ombrières de parkings, avec un calendrier contraignant, à compter du 1er janvier 2025.
Ainsi, l’article L.171-4 du CCH s’applique depuis le 1er janvier 2024 jusqu’au 1er janvier 2025 dans sa version issue de l’article 101 de la loi « Climat et Résilience », et à partir du 1er janvier 2025 dans sa version modifiée par l’article 41 de la loi Aper.

Quels sont les types de bâtiments concernés ? Pour quelles surfaces ? Avec quels équipements ? À quelles occasions de travaux ? Quelles exemptions possibles ?

Bâtiments concernés, seuils, objectifs de surface…

Les bâtiments et les parcs de stationnement concernés par la réglementation jusqu’au 1er janvier 2025 sont nombreux :

  • les nouvelles constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, les bâtiments à usage d’entrepôt, les hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale
  • les nouvelles constructions à usage de bureaux supérieures à 1 000 m2 d’emprise au sol
  • les rénovations lourdes et les extensions lorsqu’elles créent plus de 500 ou 1 000 m2 d’emprise au sol selon le type de bâtiment
  • les parcs de stationnement accessibles au public de plus de 500 m² d’emprise au sol.

À partir du 1er janvier 2025, le champ d’application s’étendra aux bâtiments administratifs, aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, ainsi qu’aux bâtiments scolaires et universitaires.

Le décret du 18 décembre 2023 insère dans le CCH le nouvel article R.171-32 qui précise le seuil d’application de l’obligation de solarisation ou de végétalisation. Un bâtiment n’est soumis à l’obligation que si au moins la moitié de sa surface de plancher est affectée aux usages précités et ce, indépendamment de l’usage de sa toiture. Les objectifs sont croissants au fil du temps, concernant la proportion de la surface de toiture de bâtiment ou d’ombrière de parking à équiper : 30 % minimum au 1er janvier 2024, 40 % au 1er juillet 2026 et 50 % au 1er juillet 2027.

Quels équipements installer ?

Dans ce contexte, les maîtres d’ouvrages doivent intégrer sur les bâtiments ou parties de bâtiments :

  • soit un procédé de production d’énergies renouvelables
  • soit un système de végétalisation basé sur un mode cultural ne recourant à l’eau potable qu’en complément des eaux de récupération, garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité
  • soit, enfin, tout autre dispositif aboutissant au même résultat.

L’un des arrêtés du 19 décembre 2023 fixe les caractéristiques minimales de végétalisation pour l’épaisseur du substrat, la capacité de rétention d’eau, les populations végétales, l’alimentation en eau et l’entretien. Pour les constructions neuves et les extensions, l’épaisseur minimum après tassement du substrat est de 10 cm ; dans le cas d’une rénovation, l’épaisseur est de 8 cm.

Aux termes de l’article L.171-1 du CCH, « les aires de stationnement » associées aux bâtiments concernés doivent être équipées avec les dispositifs précités ou bien intégrer « des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité [des sols] et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ».

“La présence d’installations techniques en toiture peut, dans certains cas, représenter une contrainte technique telle qu’elle justifiera l’exemption”

De nombreux cas d’exemption

Si les textes sont très techniques sur les obligations des maîtres d’ouvrage, ils le sont également sur les nombreux cas d’exemption. Il est clair que les services de l’État ont conscience des nombreuses impossibilités de mise en œuvre de la solarisation ou de la végétalisation, pour de multiples raisons techniques, réglementaires ou économiques.

L’article L.171-4 du CCH retient que l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme peut, par décision motivée, prévoir que tout ou partie des obligations découlant de cet article ne s’appliquent pas en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, ou encore de conditions économiquement inacceptables. Les caractéristiques propres aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) peuvent également justifier une exemption si elles sont incompatibles avec l’obligation de solarisation ou de végétalisation.

Depuis le 1er janvier 2024, les demandes d’autorisation d’urbanisme doivent préciser l’applicabilité de l’article L.171-4 du CCH, avec, le cas échéant, une attestation justifiant d’une éventuelle exemption.

Par exemple, la présence d’installations techniques en toiture peut, dans certains cas, représenter une contrainte technique telle qu’elle justifiera l’exemption. Idem pour une pente de toit supérieure à 20 %. Ou, cas très fréquent pour des générations de toits-terrasses jamais prévus pour supporter une charge d’installation solaire ou de végétalisation, la résistance de la structure porteuse s’avère rédhibitoire ou demanderait des travaux de renforcement dont les coûts seraient disproportionnés. Un ensoleillement insuffisant engendrant des coûts d’investissement portant atteinte de manière significative à la rentabilité de l’installation est également pris en compte. Enfin, l’impossibilité technique de ne pas aggraver un risque naturel, technologique ou de sécurité civile est aussi un motif d’exemption.

L’arrêté du 19 décembre 2023 est précis sur la justification de coûts d’installation disproportionnés : lorsqu’ils sont supportés par le maître d’ouvrage, ils ne sont établis que lorsque le coût hors taxes des travaux nécessaires à l’installation d’un système de production d’énergies renouvelables ou d’un système de végétalisation, diminué des gains actualisés pouvant être obtenus par la vente de l’électricité produite sur une durée de 20 ans ou par des économies d’énergie réalisées sur la durée de vie de l’équipement, et diminuée des autres dispositifs de soutien financiers, excède 15 % du coût total hors taxes des travaux. Lorsque le coût des travaux est supporté par un tiers-investisseur, le coût d’installation est réputé disproportionné si le reste à charge hors taxes excède 15 % du coût total hors taxes des travaux. L’arrêté détaille les méthodes de calcul des revenus actualisés et des coûts des installations photovoltaïques (PV) ou de production de chaleur renouvelable.

Le cas des parkings

Les parcs de stationnement de plus de 500 m2 sont soumis à l’obligation d’intégrer des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant l’infiltration des eaux pluviales. Ils doivent aussi intégrer des dispositifs végétalisés concourant à l’ombrage des parkings ou des ombrières solarisées.
Pour la gestion des eaux pluviales, l’obligation s’étend au sein du parc sur toute la superficie des emplacements de stationnement hors voie publique, sur les surfaces et cheminements de circulation. Les espaces verts, zones de repos ou de stockage, espaces logistiques, de manutention et de déchargement ne sont pas soumis à cette obligation.

Lorsque l’ombrage est assuré par des arbres, l’obligation est satisfaite par la plantation d’arbres à canopée large, répartis sur l’ensemble du parc, à raison d’un arbre pour trois emplacements de véhicules. www Comme pour les bâtiments, le décret du 18 décembre 2023 prévoit le même type de cas d’exemption, à justifier par les contraintes techniques, économiques ou de risques.

Photovoltaïque : un contexte compliqué

La crise énergétique de 2022, avec l’envolée stratosphérique des prix de l’électricité, a incontestablement sensibilisé beaucoup de maîtres d’ouvrages à l’intérêt de valoriser leurs surfaces de toitures ou de stationnement par une production photovoltaïque. Déjà soutenue pour des raisons économiques, environnementales et d’image, les demandes des maîtres d’ouvrage pour répondre aux nouvelles obligations affluent chez les professionnels du solaire et de la végétalisation. En amont des projets, les bureaux d’études sont les premiers sollicités.

David DUMAS est directeur opérationnel du bureau d’études Cythelia Energy, spécialisé en photovoltaïque depuis sa création. « Cythelia Energy a deux activités, explique-t-il : AMO pour la détection de sites et l’accompagnement stratégique, grâce notamment au cadastre solaire; et maître d’œuvre pour la réalisation des travaux et le suivi d’exploitation. » Ces dernières années souligne-t-il, « de 80 % de notre activité en études de faisabilité, nous sommes passés à 60 % d’accompagnement de réalisations, avec un triplement de notre effectif en 5 ans, pour essentiellement des projets en toiture entre 36 et 500 kWc et quelques MWc pour des ombrières et centrales au sol. Avec des nouveautés réglementaires qui sortent tous les mois, ce n’est pas évident de suivre. De plus, les décrets ne sont pas tous sortis. On est aujourd’hui au milieu du gué. Le photovoltaïque évolue assez intensément techniquement et économiquement, avec des stop and go des gouvernements, le dumping chinois, les faillites de fabricants européens… Si bien qu’une étude faite début 2023 doit être refaite si le projet n’est pas réalisé au bout d’un an. Or, entre l’instruction du permis de construire, la consultation du SDIS, l’obtention du devis Enedis de raccordement, etc., on arrive à 18 mois de délai pour le démarrage du chantier. Et pendant ce délai, les tarifs d’achat ou les prix des modules photovoltaïques auront perdu 15 ou 20 %. Pour des clients qui ne sont pas des professionnels du photovoltaïque, sans accompagnement sur le juridique, le technique et l’économique, le sujet est assez difficile à appréhender. »

“Avec l’arrêté tarifaire S21 qui permet l’autoconsommation et la vente du surplus, il n’est plus possible de dire que ce n’est pas rentable, à la condition que le bâtiment puisse accepter du PV”

L’autoconsommation visée

Côté activités, « 90 % des projets visent l’autoconsommation, note David DUMAS. Mais plus personne ne peut dire quels seront les tarifs de l’électricité dans 5 ans, les incertitudes sont grandes sur le taux d’inflation, les taux d’intérêts, donc on ne raisonne même plus en temps de retour. L’objectif devient la sécurisation d’une part de la consommation à prix de revient. » Il existe toutefois des aspects positifs : « Il y a des tarifs d’achat dignes de ce nom, une filière de développeurs et d’installateurs qui tient la route, et moins d’opportunistes dans les projets au-dessus de 100 kWc. Mais le recrutement des collaborateurs est difficile. »

Franc RAFFALLI est président de l’entreprise Sys EnR, président du Groupement des métiers du photovoltaïque à la Fédération française du bâtiment (GMPV-FFB) et trésorier de Consuel. Il constate une forte accélération de la production PV : « Aujourd’hui, avec 250 000 chantiers par an dans le photovoltaïque, 30 % des attestations Consuel de conformité sont des attestations pour production. En 2017, cela ne représentait que 3 %. Dans le créneau des centrales supérieures à 36 kWc, l’évolution est très forte. Avec l’arrêté tarifaire S21 qui permet l’autoconsommation et la vente du surplus, il n’est plus possible de dire que ce n’est pas rentable, à la condition que le bâtiment puisse accepter du PV. » Le responsable professionnel souligne fortement la nécessité de simplifier les procédures d’autorisation des projets : « L’empilement des réglementations techniques, ICPE, incendie, des préconisations complémentaires des assureurs, des bureaux de contrôle, la multiplication des tarifs d’achat, rend trop compliquée l’arrivée dans notre métier de nouvelles entreprises. Avec en plus le problème d’assurabilité des installateurs, dont la moitié a des difficultés pour s’assurer. »

Le défi des toits existants

Première question incontournable pour tout projet de solarisation ou de végétalisation : la toiture est-elle assez résistante pour supporter la charge supplémentaire d’une centrale PV ou d’un système de végétalisation ? Avec des charges de l’ordre de 150 kg/m2 pour seulement 8 cm de substrat saturé en eau, la végétalisation s’envisagera plutôt sur des toits-terrasses en béton. Mais, même avec une charge permanente de structure de l’ordre de 15 kg/m2, une centrale PV pose problème pour la très grande majorité des toitures plates des grandes surfaces commerciales, industrielles ou logistiques, car elles n’ont pas été conçues pour cela, sauf les plus récentes (« PV ready »).

« Les charpentes métalliques conçues il y a plus de 20 ans ont été calculées avant les Eurocodes et posent un vrai problème de capacité portante, explique Saïd BENOTHMANE, spécialiste « Enveloppe du bâtiment » de la Scop Toreana Habitat, qui détaille les précautions à prendre : « L’enjeu est d’éviter d’intervenir en site occupé, pour un renforcement de charpente qui demanderait de travailler de nuit, avec des moyens lourds de levage. Le bac acier, support d’étanchéité lui aussi, doit être vérifié. Un diagnostic du complexe existant isolation-étanchéité sera également réalisé. Attention à ne pas se limiter aux Documents des ouvrages exécutés (DOE), pas toujours exacts. L’audit de la structure demande des sondages destructifs, pour vérifier la composition des parois, la corrosion, les déformations. Nous produisons des notes de calcul d’effort sur les bacs acier avec notre logiciel de modélisation qui intègre le profil du bac, son épaisseur, la portée, et l’impact en déformation des pattes de fixation des panneaux. Le “couturage” des bacs acier par des fixations complémentaires rend les assemblages plus denses et justifie mieux la déformation du bac. Ce qui permet de conserver le bac existant, évitant ainsi le coût carbone d’un remplacement. »

Dans ce contexte, il faut parfois veiller à rehausser certains équipements. « On vérifie la hauteur résiduelle des reliefs d’étanchéité après isolation plus épaisse du toit et on étudie les équipements en toiture à rehausser, complète Saïd BENOTHMANE. Pour éviter le renforcement de la structure, nous préconisons le remplacement du complexe existant membrane bitumineuse-laine minérale, qui pèse 23-24 kg/m2, par une solution “light roof” à 5 kg/m2 avec 100 mm d’isolant mousse à 3 kg/m2, de résistance thermique R de 4,5 m2/W.K, et une membrane d’étanchéité blanche à très haute réflectivité, à 2 kg/m2. On gagne ainsi les 15 à 17 kg/m2 du système photovoltaïque. L’intérêt de la membrane blanche “cool roof” est double : contre la surchauffe du bâtiment mais aussi contre celle des panneaux PV, qui dégrade leur performance. »

Renforcement en toiture

Si renforcer les toitures de plusieurs milliers de mètres carrés conduit à des surcoûts sans rapport avec la rentabilité de la centrale photovoltaïque, ce n’est pas forcément le cas de charpentes de mille mètres carrés, d’après le retour d’expérience de Rémi PERRIN, conseil énergie en entreprise d’Edel 42, un guichet unique mis en place par la chambre de commerce et d’industrie Lyon Métropole-Saint-Étienne Roanne et l’Agence locale de l’énergie et du climat de la Loire (Alec 42) : « Les TPE/PME sont pragmatiques. Elles n’ont pas peur d’un temps de retour de 8 à 12 ans. Quand la toiture d’un bâtiment devient fuyarde, ou est mal isolée, c’est le moment de réfléchir à long terme à l’investissement patrimonial immobilier et dans un système productif avec revenus. Refaire l’étanchéité, améliorer l’isolation, installer une membrane réflective et du PV, c’est augmenter la valeur de son bâtiment, ses performances énergétiques et son confort d’usage. Côté technique, pour supporter une centrale PV et le passage des techniciens en toiture, il est indispensable d’avoir un isolant incompressible de classe C. Pour la fixation des supports des panneaux sur la membrane d’étanchéité, il y a des solutions de plots thermosoudables avec des pièces d’étanchéité soudées sur la membrane. Électriciens et étancheurs doivent travailler ensemble. Il existe aussi des solutions de structures -supports de panneaux non soudées, juste posées et lestées, rapides à poser. »

Solarisation ou végétalisation ?

Pour les parkings, il y a un vrai choix à faire par les maîtres d’ouvrage. L’ombrage des parkings par des arbres est une végétalisation visible, agréable, à moindre investissement que des ombrières PV, mais qui consomme des places de stationnement. Les ombrières protègent immédiatement les clients et leurs véhicules de la pluie et du soleil, produisent de l’électricité renouvelable autoconsommable et des revenus, mais représentent un investissement important, bloquent les extensions des bâtiments par leurs structures et les réseaux enterrés, et peuvent avoir un impact paysager ou de masque sur le bâtiment commercial.

Pour les toitures, la capacité portante est le critère initial qui peut faire conclure rapidement qu’il n’est pas possible d’installer une végétalisation avec l’épaisseur minimale de 8 cm prévue par le décret pour l’existant. Si la structure de la toiture-terrasse le permet, alors le maître d’ouvrage aura tout intérêt à www envisager les différentes solutions de végétalisation pas seulement pour répondre aux exigences de la loi ou des plans locaux d’urbanisme (PLU), mais aussi en considérant les multiples fonctions potentielles d’une végétalisation de toiture : protection de l’étanchéité, rafraîchissement, gestion des eaux pluviales, biodiversité, jardin d’agrément ou potager, apport architectural…

L’investissement initial en PV peut aussi être impactant sur la rentabilité de l’opération : la végétalisation est moins coûteuse au m². Enfin, associer panneaux solaires et végétalisation est possible : c’est la toiture biosolaire.

Végétaliser : réfléchir multifonctionnalité

La question de l’épaisseur de substrat de végétalisation est fondamentale car elle se traduit directement par une charge importante liée à la densité du substrat et à la rétention d’eau. Les professionnels alertent sur les dérives de certaines exigences réglementaires. Jean-Christophe GRIMARD, directeur R&D de l’entreprise Le Prieuré, fait le point : « À capacité maximale de rétention d’eau, les 8 cm d’épaisseur minimale de substrat exigée par l’arrêté du 19 décembre 2023 pour l’existant induisent une charge de 100 à 150 kg/m2. Les PLU de Paris ou de Lyon exigent en construction neuve des épaisseurs de 30 cm […]. La charge peut alors avoisiner les 500 kg/m2. Cela impliquera alors beaucoup plus de béton, de métal ou de bois pour supporter cette surcharge, avec un bilan environnemental discutable. On est toujours sur des compromis entre surcharge, efficacité fonctionnelle, coûts et bilan global. »

Exiger a minima 50 cm de terre végétale comme le fait le PLU d’Annecy semble alors un objectif très ambitieux. Pour sa part, Sophie ROUSSET-ROUVIÈRE, déléguée générale de l’Adivet, l’Association des toitures et façades végétales, insiste sur les intérêts multiples de la végétalisation : « Dans une logique business, les promoteurs introduisent la végétalisation dans leurs actifs, vraie valeur ajoutée en ville. La gestion des eaux pluviales – traiter la goutte là où elle tombe – intéresse les villes qui peuvent l’imposer, et les Agences de l’eau qui peuvent apporter des aides. Les grandes métropoles montrent aussi une vraie volonté sur la biodiversité. »

Le président de l’Adivet, Philippe MADRE, cofondateur du bureau d’études Topager et chercheur associé au Museum d’histoire naturelle à Paris, complète l’analyse : « Le choix de la végétalisation montre aussi l’ambition particulière de certains maîtres d’ouvrage et architectes. Lors des consultations des entreprises d’étanchéité ou de végétalisation, ils peuvent faire référence à l’outil GreenRoofScore développé par l’Adivet. Ce référentiel de qualité des projets établit une notation en fonction des performances attendues en matière de lutte contre les îlots de chaleur urbains, de gestion de l’eau, de biodiversité et de santé et bien-être. Les élus des collectivités locales portent dans les PLU une vraie ambition sur la biodiversité, ce qui se traduit parfois par des exigences élevées en termes de végétalisation. »

Le défi de la formation

La progression continue des installations solaires demande toujours plus de main-d’œuvre qualifiée, donc de formations spécialisées. Et les besoins de formation sont multiples. Ils peuvent même concerner les maîtres d’ouvrage, selon Hervé DRUON, directeur de l’Ines PFE, Institut national de l’énergie solaire (plateforme de formation-évaluation) : « Le métier d’installateur est en tension, mais les nouvelles obligations ne vont pas donner des projets en six mois. Le parcours administratif va prendre du temps. On a donc encore un peu de temps pour anticiper les besoins avant d’être en défaut de capacité à réaliser les nouveaux projets. Par ailleurs, j’identifie, du fait de cette nouvelle loi, la nécessité que les maîtres d’ouvrage soient clairement informés sur le domaine de l’énergie. Par exemple, les tarifs d’achat garantis par EDF OA vont jusqu’à 500 kWc mais les plus grandes centrales relèvent des appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie. L’intégration de l’énergie au réseau est un domaine très spécifique. Une centrale ne fonctionne pas toute seule : il faut donc aussi former les maîtres d’ouvrage, propriétaires d’une centrale PV, à la nécessité de son suivi

De son côté, Olivier VERDEIL, responsable de la formation pour Solarcoop, met en garde sur les formations trop brèves et trop théoriques : « Historiquement, c’étaient des formations complémentaires pour des artisans du bâtiment, électriciens, couvreurs et charpentiers. Avec un marché redevenu attractif, on voit arriver des profils sans rapport avec le bâtiment, qui peuvent s’inscrire sans prérequis à une formation de trois jours comprenant seulement une demi-journée de pratique. L’hétérogénéité du niveau de connaissances à l’entrée en formation est un vrai sujet. Or un métier ne s’apprend pas en trois jours, et installateurs-mainteneurs en PV ou en solaire thermique sont des professions à part entière. Il y a des centres de formation qui proposent des parcours de plusieurs mois, avec des stages en entreprises. Le parcours en alternance, c’est le top ! La démarche qualité des centres de formation est garantie par la marque Qualiopi, délivrée par des organismes certificateurs agréés. »

“Depuis le moratoire de 2010, le marché a changé. Il renaît avec des maîtres d’ouvrage professionnels, propriétaires de grandes toitures industrielles”

La démarche assurantielle en photovoltaïque

Assistants à maîtrise d’ouvrage et maîtres d’œuvre insistent pour embarquer dès le départ l’assureur et le bureau de contrôle dans la boucle des études, avant la consultation des entreprises. Valident-ils le projet ? Quelle assurance pour ces ombrières ? Les assureurs sont également demandeurs de cette concertation en amont. Michel BAILLEUL, directeur des opérations d’assurances de la mutuelle professionnelle du BTP l’Auxiliaire BTP, explique sa vision de l’assurance des projets PV : « Lors du premier boom du photovoltaïque avant 2010, la massification voulue par le gouvernement favorisait par le tarif d’achat les systèmes intégrés en toiture. Beaucoup de particuliers ont fait installer des panneaux par des entreprises peu compétentes, avec des procédés peu nombreux à ce moment-là. D’où une sinistralité parfois sérielle sur certains produits. À l’époque, en tant que mutuelle professionnelle, nous avons accompagné nos sociétaires couvreurs ou électriciens en les interrogeant sur les caractéristiques des matériels et sur les qualifications. Ainsi, nous n’avons pas eu de sinistralité anormale. Depuis le moratoire de 2010, le marché a changé. Il renaît avec des maîtres d’ouvrage professionnels, propriétaires de grandes toitures industrielles. Avec l’appel d’air créé par la nouvelle obligation, on voit ressurgir des gens qui ne sont pas des professionnels expérimentés, d’où la même posture : nous accompagnons nos clients connus, sérieux, qui se forment et posent des panneaux de bonne qualité. »

Lorsque l’équipement posé est sous Avis Technique (ATec), et classé en Liste verte de la C2P, « il n’y a pas de sujet, ajoute Michel BAILLEUL. S’il est seulement sous Enquête de technique nouvelle (ETN), évaluation des aléas techniques réalisée par un bureau de contrôle pour le compte du fabricant, alors on acte dans le contrat “assurer tel ou tel procédé”. Le principe : nous avons besoin de justifications sur les produits et sur les compétences. Pour un potentiel nouvel assuré en reconversion, nous l’interrogeons sur sa formation pour sa nouvelle activité, sur ses compétences et sur ses projets. Qu’allez-vous faire ? Comme sous-traitant ? En pose exclusive sans fourniture ou en fourni-posé ? Quels types d’installations ? Qui fait le raccordement électrique ? À cause du risque d’incendie, nous sommes vigilants sur les compétences en électricité. Au nouvel entrant dans la mutuelle, nous demandons CV et diplôme (CAP, BTS, Bac pro…). On ne se contente pas d’un certificat de formation de trois jours. En cours de vie du contrat, notre indicateur est la sinistralité du sociétaire. Nous sommes prudents mais pas inquiets. Nous échangeons avec les chefs d’entreprise, et nos techniciens et ingénieurs en interne ont la capacité d’analyser les dossiers complexes. Au niveau national, nous parlons entre assureurs au sein du comité construction de France Assureurs. Avec en “tour de contrôle”, l’Agence Qualité Construction qui voit une grande partie des remontées de sinistres des experts. »📒

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